Arthur Crudup: My Baby Left Me
Un titre né à Chicago, porté sur les fonts baptismaux par un kid de Tupelo, avec deux de plus, du même songwriter, dans la besace, pour faire bonne mesure… A thread, comme on dit.
In the beginning, comme toujours, le blues. De Chicago, donc. Whole lotta rhythm goin’ on ici, dès l’intro des drums, du Dave Lombardo, presque. 1950, Crudup, grand pourvoyeur aaronien, pond le truc tout seul comme un grand, un carton.
1956 : "That’s All Right", "So Glad You’re Mine", merci qui ? Merci Arthur. Elvis chaloupe ici en souplesse féline, sans effort, pour une B-side, celle de "I Want You, I Need You, I Love You", session RCA/Steve Sholes express boiteuse.
1961 : Wanda Jackson, pote de tournée du King, met cinq ans à oser fouler les brisées royales - intro batterie escamotée, gimmick stop-and-go et soli six-cordes étiré. Pat Boone, Conway Twitty, Vince Taylor attendent en coulisses.
1964 : l’idole des jeunes UK, Dave Berry, tape le hit avec ses Cruisers, Eddy Mitchell fait son London Calling, Johnny revient avec les "Rocks Les Plus Terribles", Ralph Bernet à la trad libre et Joey Greco & The Showmen en fier backing-band.
1970 : Fogerty, à l’économie et à l’humilité, sans déférence mais avec fidélité, retrouve le chemin de l’original par le talent brut et se fait dépositaire du rock 50s. Doug Clifford, beat cardinal, pas assez célébré.
1971 : Derek Lawrence fait son Screaming Lord Sutch, un all-star band de heavy friends, crédits cartoons (Ian Paice ? "Speedy") et une reprise déjà testée par Blackmore avec Neil Christian. Intro catastrophique mais raid de Ritchie.
1973 : Lennon, avec du beau linge, en grand foutoir choral, pour les sous-estimées sessions Rock ’n’ Roll, un "Since My Baby Left Me" (sic), exhumé en 1986 sur Menlove Ave. Pourrait chanter le contrat de confiance Darty, on prendrait.
1975 : une petite offensive folk avec Buffy Sainte-Marie & Phil Ochs puis les soft-pop-rockeux Loggins & Messina font allégeance, du rockabilly clavecin, ça tricote honorable mais un poco rigide, chant à ça de l’erreur de casting.
1977 : Dave Edmunds tente mais les lads de Slade, le pif creux, raflent le pacson, le cadavre du King encore chaud, avec une version intelligente (oui), including "That’s All Right", rappel finasse de la porosité des deux compos de Crudup.
2011 : traversée du désert des 80s aux 00s, olé, Crudup, mort, ruiné, comme il se doit, en 1974 - oublié. Isaak, toujours bon goût, sort de sa tessiture, une contrebasse ronde (trop) en avant, le wicked game de la gratte un brin timoré.
2012 : déjà une baby fugitive dans "Watt", ici, la vintage. Lee, 68 piges, chant intact, guitare abrasive sans ostentation, sale réputation de mitrailleuse woodstockienne lavée, un groupe né "Dix Ans Après" qui ? Presley, c’est ça.