Elvis Presley: The Sun Sessions (1954)
"The first time I appeared on stage, it scared me to death. I really didn't know what all the yelling was about. I didn't realize that my body was moving. It's a natural thing to me..." (Elvis Presley)
Where: Sun Records Studios
When: Juillet 1954-1955
Who: Elvis Presley (vocals, acoustic guitar), Scotty Moore (electric guitar), Sonny Trammel (steel guitar), Bill Black (bass), Johnny Bernero (drums), Jimmy Lott (drums)
What: 1. That's All Right 2. Blue Moon of Kentucky 3. Good Rockin' Tonight 4. I Don't Care If The Sun Don't Shine 5. Milk Cow Blues Boogie 6. You're A Heartbreaker 7. Baby Let's Play House 8. I'm Left, You're Right, She's Gone 9. I Forgot To Remember To Forget 10. Mystery Train 11. I Love You Because 12. Harbor Lights 13. Blue Moon 14. Tomorrow Night 15. I'll Never Let You Go (Little Darlin') 16. Just Because 17. I'm Left, You're Right, She's Gone 18. Trying To Get to You 19. When It Rains, It Really Pours
How: Produced by Sam Philips
Up: la révolution spontanée : la pompe à l'acoustique, la contrebasse bonhomme, les notes lustrées de Moore, la voix innocente, frêle, ténue, pas encore assurée d'un Elvis pourtant certain de son destin, balayage de cordes pour les changements, solo de Scotty, étincelant, illuminé d'arpèges en picking, à 00'48, Elvis improvise des "dee dee dee dee" intuitifs à 1"31, une blague entre musiciens, moins de deux minutes qui font l'histoire ["That's All Right"]... une valse bluegrass dépressive vampirisée par un camionneur, restituée en rockabilly accéléré hoquetant, chant plus posé du jeune Elvis, Black assure une pulsation claquée sans faille, interventions sublimes, toujours pudiques, de Scotty qui prend le solo à 00"53 puis à 1"26, Elvis assouplit son chant, s'autorise des écarts, assiste amusé à sa propre mue et offre un singulier miroir africain à la Bible Belt ["Blue Moon of Kentucky"]... l'essence du rock ("Well I heard the news, there's good rockin' tonight / I'm gonna hold my baby as tight as I can / Well tonight she'll know I'm a mighty mighty man"), chant félin d'Elvis, svelte et ductile, qui s'enrobe autour du rythme, solo magnifique de Moore à 00"41, une épure rock incunable, Black attaque une walking-bass rock vintage, Scotty enfile les notes en picking démultiplié, Elvis chaloupe sans effort jusqu'à son solo à 1"37, gravé pour l'éternité, tout le reste ne sera désormais qu'appendice négligeable ["Good Rockin' Tonight"]... Elvis cajoleur, dévoie la country et découvre la complémentarité blues des graves et des aigus, pique le rythme à Black et Moore avec un chant senti, un peu ironique ("Well that's when we're gonna kiss and kiss and kiss and kiss / And we're gonna kiss some more / Who cares how many times we kiss / 'Cause at a time like this, who keeps score?"), solo forcené de Moore à 00"41, puis à 1"51, une espèce de swing rock aérien tenu sans effort par Presley, enfin définitivement affranchi de ses freins émotifs ["I Don't Care If The Sun Don't Shine"]... faux départ d'un titre poussif ("Hold it fellows, that don't move me / Let's get real, real gone for a change"), et soudain, l'explosion rock, riff glissé, implacable de Moore, Black matraque, chant urgent, pressé, un rien moqueur sur les aigus d'Elvis, à 2"07 encore un solo classe de Moore, si bon qu'il en arrache un "yeah!" anthologique à Elvis qui s'engage dans une glose finale faite de marmonnements félins ["Milk Cow Blues Boogie"]... riff enjoué, un chant plus rigide, arpèges luminescents et accords claqués sur le pont, Elvis, menace, se promène dans des graves bientôt historiques, Scotty lâche de stupéfiantes harmoniques à 1"30 en fin de turn-around et emporte la partie ["You're A Heartbreaker"]... saccade vocale noyée de réverb, un rockabilly for sure, Elvis découvre un nouvel aigu, surpuissant, Black gifle sa contrebasse et étrangle ses quatre cordes, Scotty lâche un premier solo à 00"51 puis un autre, encore meilleur, à 1"23, Elvis laisse partir un autre "yeah!", se fait menaçant, offre à un Lennon adolescent les paroles de son futur "Run For Your Life" ("I'd rather see you dead little girl / Than to be with another man"), tente des "babe" bredouillants pour un final superbe ["Baby Let's Play House"]... batterie inutile - Black tape si fort sur ses cordes anyway -, chant charmeur, toujours les accords plaqués, Elvis en retrait, concentré, solo complexe de Moore à 1"19 qui continue à graver les Tables de la loi rock ["I'm Left, You're Right, She's Gone"]... ballade d'inspiration Country & Western, Elvis repart dans les graves, s'autorise des audaces, en devient presque méconnaissable, Black et Moore discrets, un solo sage à 1"17, des "weeeeeell" ascendants vintage pour un titre presque a cappella ["I Forgot To Remember To Forget"]... ça riffe en continu, notes glissées et arpèges argentés, Elvis débonde, solo lyrique à 1"31, cri hystérique vers la fin, un classique à la beauté apaisée, confiante ["Mystery Train"]... Elvis, déjà romantique, sifflote une mélopée de pirogue vénitienne, une innocence guettée par la mièvrerie, de justesse évitée, un exercice de style sauvé par les festons sonores de la demi-caisse de Moore ["I Love You Because"]... la même, en mieux : phrase cristalline, Moore encore plus en verve, solo doublé et sifflé, arpèges vertigineux, Elvis langoureux, au bord de la pâmoison, une ballade fifties aux tonalités presque jazzy ["Harbor Lights"]... basse tribale sur rythme claudiquant, équestre, voix sourde noyée d'écho, feeling à la "Stand By Me", ("I heard somebody whisper 'Please adore me' / And when I looked the moon had turned to gold"), aigus magnifiques de chant d'esclave tenté et réussis - Morrison refera le coup sur "The Cars Hiss By My Window" seize ans plus tard - un filet de voix en équilibre instable, de la slide vocal ["Blue Moon"]... la même, en mieux (bis) ? Elvis se détend sur un riff cahotant, veloute ses inflexions, bosse pour une postérité adolescente, pas encore piaffante ["Tomorrow Night"]... la même chose ou presque, pourquoi se priver, Moore astique largement ses cordes, du rock ou du jazz ? ("The stars would tumble down beside me / The moon would hang its head and cry / My arms would never hold another baby doll / If we should ever say good-bye"), Elvis défriche, explore, donne au débotté les directions pour les vingt années suivantes, et soudain, à 1"52, break rock violent, brinquebalant, une leçon de rock ["I'll Never Let You Go (Little Darlin')"]... on pousse le volume et on accélère, Moore attaque tout de suite le solo, immaculé, Black fait cliqueter sa contrebasse, sous Elvis point perceptiblement le King ("Well, well, well there'll come a time when you'll be lonesome / And there'll come a time when you'll be blue / Well there come a time when old Santa / He won't pay your bills for you"), Scotty balance un autre solo tout en petites phrases courtes, glissées, interrompues d'arpèges, deux minutes trente, c'est expédié ["Just Because"]... Scotty tire sur ses cordes pour un riff lent, lourd, pour l'oreille de Jimmy Page, "Heartbreaker" bien sûr ["I'm Left, You're Right, She's Gone"]... clarté claquante de la voix d'Elvis, Moore parcourt son manche, livre un solo à 1"18 , Elvis plsu détendu encore repère des aigus plus agressifs, un cadeau de plus ["Trying to Get to You"]... bon départ, on s'emmêle, pause et rires, blagues de studio, ça repart, Elvis, seul aux manettes, propulse le morceau, fait le singe, nouvelle pause, commentaires conciliants d'un Philips impérial en cabine, dernier solo de Moore, l'autre génie de ces sessions, à 3"05 ["When It Rains, It Really Pours"]...
Down: rien, évidemment, une légende en marche...