Little Willie John: Fever
Un titre pandémique, hyperthermique, vulcanique.
In the beginning, comme toujours, le blues. East coast - Otis Blackwell à la compo, Glover à la console et Little Willie, en prestation perçante imposée avant une fin tragique de picolo surineur, fait un petit hit en 1956 chez King.
1958 : du torchy lounge made in Hollywood. Lee ralentit le titre, le chavire, injecte du Romeo & Juliet, du Captain Smith & Pocahontas, snappe ses fingers et c’est moite & tendu. Classique instantané, Little Willie direct aux oubliettes.
1960 : esprit intact, pas de fantaisie, aux embardées de drums près. Presley, magistral, investit le hit en élasticité féline, pose sa voix en évidence absolue, contient des grondements et des aigus, et écrase toute concurrence, ever.
1967 : suées froides pour le Bosseur - doit remplir un album pour accompagner son seul hit, "Cold Sweat". Pioche alentour, dont cette reprise, interchangeable, avec un band über-pro, cris perçants de rigueur. Swing glacé, dépassionné.
1968 : Guy big-bande de toutes ses cordes vocales, tait ses pyrotechnies guitaristiques, chante avec - et pour - son public, ferveur gospel pour un titre si peu studio. Souffrance ardente, turgescente, émotion non comprimée, effervescente.
1970 : Mr Mojo en tentative d’ascension au Pacific Coliseum, brode sur le beat calypsoïde de "Light My Fire", se raccroche aux branches de Summertime, et peine à jouir du vers rock. Krieger déphasé, retour bercail bien vite.
1975 : Suzi, cœur funky, se hardise, prévient : your mamma won’t like me. Fait rouler sa basse, cajole les lyrics sans affèterie, backing vocals du swamp et trouve sa place dans une lignée encombrée, après Wanda Jackson et Rita Coolidge.
1976 : la touffeur portoricaine en lutte contre l’Animal, The Electric Mayhem Band s’essaye au torride, un Keith Moon à fourrure agite son beat derrière Rita qui rectifie en langue maternelle. On se gondole, on a un peu chaud aussi.
1976 : traitement disco-pop antillaise, le gros bonnet German Frank Farian aux commandes, reprise de rigueur sur un LP titré "Take the Heat off Me". Vocal track préservé, pour le reste, basse-batterie clubbing décomplexée. Haters gonna hate.
1979 : Memphis délaissée, on est chez Polydor now. Isaac, dépassé depuis quelques années, tente de se refaire en disco freak à coups de groove-a-thons virtuoses dispensables. Titre déconstruit, trahi, éviscéré, dansant. Quel arrangeur.
1979 : pas un titre à gratte ? Wray confirme avec une relecture post-punk rumblisée, riffée cinglante, récitée, avec basse vrombissante et même un solo de drums par des fifres de Dylan. Une daube, évidemment, Dick Dale s’y perdra aussi.
1980 : une formalité, un rite de passage, le titre, 25 ans après. Cheap thrills fastoches, aussi. Fiat lux, tout intérieure, avec des songs appris de Dieu Soi-Même, et du rockabilly punk new-yorkais brandé CBGB - l’éréthisme psychobilly.
2020 : Madonna, Beyoncé, Liane Foly, Bon Jovi, Tom Verlaine, tou(te)s se la jouent affolé(e)s du thermomètre. Danzig regarde dans le rétro, se dit qu’il est temps de reprendre du Presley qui reprend du Little Willie John. Du karaoké rockab.