Rush: A Farewell To Kings (1977)
"I'm a fairly obnoxious bass player - I'm very intrusive. I don't think my playing style is very typical. But we are all our own worst critics, right? I was born into the Jack Bruce, Chris Squire, Jack Casady world - those guys all pushed the melodic side of bass playing. That's how I viewed my role: not just to lay down the beat, but to add melody and some edge - especially in a three-piece-to fill up the sound. That's why I often let my open strings ring out; I try to be a bass player and guitar player at the same time. I guess my main strength is that I'm able to knit with Neil and smooth out some of the hyper rhythms that we do together. By playing more, it frees Alex melodically to do what he needs to do in the context of the trio...." (Geddy Lee)
Where: Recorded at Rockfield Studios in South Wales, UK
When: Septembre 1977
Who: Geddy Lee (bass guitar, twelve-string guitar, Mini-Moog, bass pedal synthesizers, vocals), Alex Lifeson (electric, acoustic and classical guitars, bass pedal synthesizer), Neil Peart (drums, cowbells, orchestra bells, wind chimes, triangle, bell tree, vibra-slap, tubular bells, temple blocks)
What: 1. A Farewell To Kings 2. Xanadu 3. Closer To The Heart 4. Cinderella Man 5. Madrigal 6. Cygnus X-1
How: Produced by Rush & Terry Brown
Up: arpèges médiévaux soutenus au synthé discret, bientôt un riff zeppelinien confiant, mid-tempo, sur une basse rugueuse et des drums claquants aux cymbales scintillantes, vite étouffé, nouveaux arpèges, gros son à la Brian May - donc à la Page - cette fois-ci, Lee s'éclate sur sa basse barbelée, des riffs croustillants de Lifeson derrière, Lee et Peart, basse ronflante et batterie prodige, brisent le tempo avec une classe inouïe, encore des arpèges, Peart administre des roulements telluriques jamais envahissants, Geddy, porté par le souffle épique ambiant pour un clin d'œil à Hemingway, nous hurle des lyrics péri-hégeliens (" When they turn the pages of history / When these days have passed long ago / Will they read of us with sadness / For the seeds that we let grow"), Alex claque des accords aux évanescences finales stridentes proto-Megadeth, soudain un break basse-batterie compliqué et prodigieux mais sans un gramme d'esbroufe, Lifeson vise la trouée et s'engouffre avec un solo twangué au vibrato, émaillé de pépites harmoniques artificielles sur une rythmique arrogante à souhait, s'embarque dans les graves, glisse dans les aigus, balaye toutes les notes, matraque avec ses deux potes les accords pour finir la séquence, prend son souffle, rebalance de gras arpèges, repart dans un solo sur sa Gibson ES-355, cosmique cette fois-ci, avec vibrato, très court, se raccroche au rythme bondissant de la basse, comme un reggae accéléré et décalé, on finit sur un bref rappel de l'intro médiévale ["A Farewell To Kings"]... lente intro sur des ambiances sûrement synthétisées, riches percussions bruitistes, un riff violoneux au volume sinusoïdal qui sourd à travers un zéphyr moogé, des pépiements capturés live devant le studio, une cloche, un rideau de percus, et, enfin, le riff tortueux à la guitare, très Genesis, la basse en punch sur les accords, bientôt enrichie par petites touches, Neil s'insère en frappes flamboyantes, un beau riff progressif, aux tonalités funky, verrouillé par une étourdissante dégringolade de notes, un gros son zeppelinien bien sûr, sur charleys frénétiques et zébrures d'accords très eighties, on fait tourner, la dégringolade est multipliée pour atteindre un nouveau break en forme de riff d'accords gras sur percus inventives et soutien du synthé, la basse de Geddy glisse pour s'insérer et glose gentiment en son crunchy squiresque, Neil est stupéfiant de finesse, un ralentissement lyrique, des arpèges cliniques proto-new-wave sur un festival de cloches, un nouveau riff s'installe, Geddy entame son chant dans des graves plein de componction, un break inattendu en riff écrasé et frénétique cavalcade voix-guitare-basse maidenesque, aussitôt cessée, Geddy passe dans les aigus, arrive au refrain et calme le jeu, un riff serein à la guitare, carillons et synthé en fond, Lee livre sa version criarde de la geste opiacée de Kubla Khan ("Xanadu - To stand within The Pleasure Dome / Decreed by Kubla Khan / To taste anew the fruits of life / The last immortal man / To find the sacred river Alph / To walk the caves of ice / Oh, I will dine on honey dew / And drink the milks of Paradise"), un rythme audacieux en beau balancement plutôt que la virtuosité boursouflée du genre, des nappes d'arpèges glacés, retour du riff funky souple et rond, Lifeson taillade à la six-cordes coupe-chou, un petit coup de chevauchée maidenesque - again, oui -, trois notes tirées hors-propos d'Alex, retombée sur les arpèges superbes, amers, froids, la basse se rebranche et Peart se fait discrètement complexe, tiens d'autres arpèges enrichis de synthé goûtu, Neil dirige à la baguette forcément et livre une symphonie de fûts, Alex retrouve ses chères sonorités zeppeliniennes puis part à l'assaut des étoiles en crépitements spatiaux et longs tirés sur sa Gibson EDS-1275 pageienne, fait une pointe et éclabousse les baffles en notes célestes, on calme le jeu, retour du tout premier rifff, plus aigu, plus inquiet, enfin tout s'arrête : un xylophone de comptine pour enfants, une ultime phrase de guitare torturée, Samuel Taylor Coleridge électrisée sept ans avant la bande à Harris ["Xanadu"]... arpèges harpsichord élizabéthains et clochettes mystiques en léger braconnage des terres Genesis, intro balayée par trois revers d'accords, Geddy attaque haut, la diction moins hard qu'à l'accoutumée, s'égare un peu dans des lyrics romantico-nietszchéens ("The Blacksmith and the Artist / Reflect it in their art / They forge their creativity / Closer to the Heart"), basse qui grogne à travers la muselière, des drums fabuleux, un break en cloches, on attaque avec un riff au son dirigeable, un solo électrique sans s'annoncer, une rythmique époustouflante, jamais dans le show, mention spéciale pour Peart au génie si peu reconnu, roulements dantesques et subtilité des cymbales pour d'improbables aigus de Lifeson ["Closer To The Heart"]... devinez-qui comme écrasante influence pour le nouveau riff lourd, basse prolixe aux feulements rouillés, Lee nous gâte et prend sa voix la plus grave, un break en accords folk déchiqueté par une basse en feu et des drums inventifs et virtuoses de Peart, Lifeson part en ponçage électrique, un beat cassé et rebondissant pour se distinguer de la concurrence, un refrain pop à la con un rien déstabilisant dans un titre tiré de Capa et son Mr. Deed, tout en douceur, puis le tandem virtuose basse-batterie à l'aise sur un tapis de textures folk, complexifie la chose, Peart n'en finit plus d'être subtil, retour aux ambiances folk, un autre riff pour le break et le tandem Lee-Peart qui construit un tremplin étourdissant pour libérer la furie de Lifeson sur des accords folk, la wah-wah grésille, fait des allers-retours hendrixiens entre les baffles, repue, lâche prise, on retombe sur ses pieds, retour du riff grave, plus fluet encore, Peart et son assourdissante discrétion en bouquet final ["Cinderella Man"]... un peu de synthé pour des accords divins de Lifeson, Geddy se retient à la voix mais exulte en basse profonde, une émotion pour nos Canadiens, le titre s'envole sur une poignée de notes amères et des arpèges frissonnants touchant à la cold wave, pas d'explosion, une lassitude introspective rare en milieu progressif ["Madrigal"]... début spooky, cloches et voix trafiquées tout au fond, synthé qui babille, un fracas sonore en attente, une trouvaille jouissive : la basse abrasive de Lee, très loin dans le mix, au fin fond du studio qui se rapproche sur une symphonie malsaine de cloches et de vibraphone, le riff de basse se dévoile dans toute sa splendeur hard, Peart, sans prévenir, propulse puissamment, Palmer comme égal seulement, est rejoint par Lifeson en terrain grave connu, une espèce d'"Immigrant Song" cassé, rayé, le riff tourne dans le rouge, explose en pompe rythmique et punchs de basse, les roulements de Neil sur les accords d'Alex qui se répondent, puis parcourent le manche, une montée après les toms, on se fixe sur un rythme de balancement reggae décalé, des drums à écouter seuls, un nappage de synthé, cinq minutes de patiente construction d'atmosphère sans chant, un riff martelé pour faire entrer la voix de Lee sur une orgie sonore brassée d'arpèges froids et de matraquages de fûts, la basse envoie des pains, un riff qui part tout seul dans la baffle gauche, Lee, à peine surpris, emboîte le pas à la basse râpeuse, Peart la classe des grands, accords dramatisés, soulignés, Lee part se réfugier dans ses aigus, la récompense : un solo d'ange étranglé, confit de wah-wah qui replace le riff puis dégorge ses notes aigues, un break et une pompe au riff minimaliste à deux notes véloces, Lee fait un retour à la basse violente avec Neil en maître d'œuvre pyrotechnique, entente télépathique entre les deux, puis déflagration d'un riff magnifique porté par Peart, que des baffes, un "Immigrant Song" détourné décidément, on porte de quelques tons plus haut comme en blues, pourquoi pas, on revient sur des accords brossés, Lee s'aventure dans des aigus douloureux, tout s'arrête, accords planants égrenés sans hâte ["Cygnus X-1"]...
Down: Tout à sa fascination pour le Dirigeable, Lee n'avait pas encore compris que les aigus n'étaient - littéralement - pas à sa portée...