The Who: Who's Next (1971)
"It was a compromise album. I felt it was making the best of what we had at the time - the whole theater project, the film idea - all those new numbers were part of a bigger scheme. And all you got in the end was the excitement and newness of the scheme reflected in the numbers" (Pete Townshend)
Where: Record Plant, NY, Stargroves & Olympic Studios, England
When: 25 août 1971
Who: Roger Daltrey (vocals), Pete Townshend (guitar, vcs3 organ, A.R.P. synthetizer, vocals), John Entwistle (bass guitar, brass, vocals, piano), Keith Moon (drums, percussion), Nicky Hopkins (piano), Dave Arbus (violin)
What: 1. Baba O' Riley 2. Bargain 3. Love Ain't For Keepin' 4. My Wife 5. The Song Is Over 6. Getting In Tune 7. Going Mobile 8. Behind Blue Eyes 9. Won't Get Fooled Again
How: Produced by The Who
Up: intro ricochetante de synthé ARP mystique à la Terry Riley, trois accords marqués de piano, bousculade fracassante de fûts de Moon, les drums posent un beat élégant, une basse enflée par-dessus, Daltrey s'époumone ("Out here in the fields / I fight for my meals / I get my back into my living / I don't need to fight / To prove I'm right / I don't need to be forgiven") autour des trois mêmes accords et de la petite phrase entêtante de synthé derrière, à 1"48, Townshend branche sa gratte grasse, répit à 2"12 avec trois coups de cymbale ampoulés, voice-over présomptueux de Pete, l'ARP toujours accroché en fond, Moon effectue une nouvelle entrée retentissante, à 3"08 Townshend s'embarque dans un solo étriqué dispensable, Daltrey stentorise d'inoubliables "It's only teenage wasteland" conclus par un rageur "They're all wasted!", pause sur riff en suspens et coups de cymbales, un violon enivré s'invite, synthé omniprésent, Moon et Entwistle reviennent à pas de loup avec un rythme binaire irrésistible, on accélère jusqu'au crash final, titre singulier, superbe ["Baba O' Riley"]... intro faussement sereine en bandes inversées, gratte acoustique et tambourin, bientôt mis en pièces par un riff rock, presque hard, Daltrey s'écorche les cordes vocales, Moon culbute ses fûts, Entwistle vrombit, gronde et fait le dos rond, relâche sur un confiant "I'd call that a bargain / The best I ever had", Keith se surpasse et en rajoute, Pete fait du Chuck Berry seventies surgonflé avec des accords violentés à la Gretsch, mais, incorrigible, pique le chant à Roger sur le break acoustique tout en basse lyrique, les bandes inversées reviennent, les grattes acoustiques se multiplient, Moon et Entwistle surgissent et lancent un nouveau bliztkrieg sonore presque trop virtuose en regard de la gratte, une louche de synthé sur les arpèges, Moon perd son calme, la virée sur riff reprend, Townshend fait des petites phrases pour dire quelque chose, prend un nouveau solo chuckesque, Moon invente le roulement perpétuel, nouvelle pause sur arpèges curieusement tristes, Moon et Entwistle étouffent le synthé en plastoc tout neuf de Pete, évidemment ça s'énerve sur une basse souple, Townshend remet une couche de riffs violents pour une fin en empilage sonique éclatant en coda acoustique curieusement automnale, crépusculaire pour un peu ["Bargain"]... ballade acoustique à basse colossale, Moon très sage fait beau et efficace, Daltrey n'a jamais aussi bien chanté, prodigue une sagesse rock de roadie poète ("The seeds are bursting / The spring is seeping / Lay down beside me / Love ain't for keeping"), Pete s'y colle pour les chœurs planants, une fraîcheur réfléchie, encore les accords sur crash de cymbales opératiques, beau solo acoustique sur harmonies vocales intactes des sixties, Keith ne craque pas, place quand même quelques matraquages de peaux, John bourdonne sans effort, les quatre lascars en flagrant délit de créativité sereine ["Love Ain't For Keepin'"] basse-batterie touffue pour une blague de John sur sa bourgeoise, un groove imparable avec son pote Keith, John au micro, au piano et à la quatre-cordes fusée, Pete colle ses accords puissants et tempétueux pour bien marquer les changements mais c'est Moon qui fait la fête avec John qui en rajoute dans les lyrics tordants ("My life's in jeopardy / Murdered in cold blood is what I'm gonna be / I ain't been home since Friday night / And now my wife is coming after me / Give me police protection / Gonna buy a gun so / I can look after number one / Give me a bodyguard / A black belt Judo expert with a machine gun"), arrivée superbe des cuivres - tiens c'est John aussi qui joue - c'est gros, ça pulse, la meilleure rythmique de rock du monde à ce moment précis, on rappelle les cuivres pour la fin sur les cris apeurés et hilarants d'un John maltraité ("She's comin'! She's comin'!") ["My Wife"]... intro somptueuse en ritournelle de piano, un peu de synthé tout neuf aussi, Townshend chante exceptionnellement bien, touchant en tout cas, irruption américaine de Moon et Entwistle, Daltrey prend le relais dans les aigus, basse fluide et exaltée à souhait, en contrepoint de la puissance de Daltrey, toujours les cymbales hiératiques, que John est doué, à 2"10 un petit solo sympathique pour faire plaisir à Pete, une recherche générale de grandiloquence, le style de Nicky reconnaissable entre mille, une pause of course, retour de Pete au chant qui tente la montée dans les aigus (aïe), Moon délivre un jeu beau et imposant sans roulements, pendant quelques mesures du moins, le finale approche, retour du synthé, refrain pour stade ("I'll sing my song to the wide open spaces / I'll sing my heart out to the infinite sea / I'll sing my visions to the sky high mountains / I'll sing my song to the free, to the free"), Hopkins place quand même quelques pions, roulements infinis de Moon se vautrant dans une cymbale explosive et libératrice symbole d'un album tout en American beauty ["The Song Is Over"]... intro scolaire au piano, "Imagine" de John à la même époque tiens, sauvée par l'entrée de la basse sautillante et veloutée, Keith et John pulvérisent bientôt le beat, Daltrey habité puise au plus profond de sa sensibilité, Pete brode des phrases pendant que Entwistle compose en live des symphonies de basse en bas de manche, chœurs parfaits comme toujours ("Right in on you!"), la balade s'installe, cascades lyriques de Hopkins, on sent bien que l'ambiance frôle la surchauffe, Moon piaffe, le répit habituel, tout en chœurs et beaux arpèges électriques, John brille, ça explose enfin sur fond de grattes sèches et de mini-soli électrisés, la basse et le piano un régal, un bon groove à la fin avec changement de braquet sur choeurs coercitifs ("I'm just bangin' on my old piano / I'm getting in tune with the straight and narrow (Getting in tune with the straight and narrow)"), Moon s'échappe de sa cage et rattrape le temps perdu sur basse bavarde, Hopkins sur une autoroute sort tous ses plans, Pete joue sur la corde grave, passe dans les aigus, ça remplit, plus beaucoup de place pour lui du coup dans cet épais mur de son ["Getting In Tune"]... et une superbe intro, fraîche et printanière, en stop and go à base d'acoustique, Moon nous torpille des fûts dans la tronche mais, gimmick génial, sait se faire patient en fin de mesure sur ses pieds de grosse caisse, John, fidèle, compose une partie de basse d'anthologie de plus, Daltrey écarté de ce groove de luxe, un pont écolo-subversif un peu gnangnan chanté par Pete ("I don't care about pollution / I'm an air-conditioned gypsy / That's my solution / Watch the police and the tax man miss me / I'm mobile / Oooooh, yeah, hee!") qui se fait bientôt rageur et pousse des cris de hyène bienvenus, un joyau hard-folk ce titre, Pete a pas tout dit et lâche des purées géniales de wah-wah synthétisée bloblotantes et aqueuses sur le tapis sonore de Moon, tricote une rythmique irrésistible, grattes sèches en soutien derrière, évidemment ça s'emballe, cris redoublés de Pete, un peu d'aigus et une orgie de wah-wah bidouillée ["Going Mobile"]... la ballade douloureuse de Pete le mal-aimé avec arpèges impeccables entendus mille fois depuis (alors ?), encore possibles à l'époque et du coup instantanément classiques, Daltrey, détail freudien, tient le micro, chœurs planants ("Behiiind bluue eeeyes") toujours travaillé chez nos gars, entrée somptueuse de la basse pour changer, du coup on attend Moon le pied battant, les acoustiques derrière semblent annoncer quelque chose de méchant, gagné : Roger s'énerve ("My love is vengeance"), les chœurs ne l'apaisent pas, Pete moulinette à la sèche, quelle tension, Daltrey prend une voix grave, agacée, un beau refrain en choeurs, un peu arena-rock encore ("But my dreams / They aren't as empty / As my conscience seems to be"), déflagration habituelle, basse efficace, sans esbroufe, Moon qui roule qui roule, Roger qui s'explique ("When my fist clenches, crack it open / Before I use it and lose my cool / When I smile, tell me some bad news / Before I laugh and act like a fool"), Pete fait claquer des accords rageurs qui retombent en douceur sur les arpèges ouatés de basse, les Who accèdent enfin à l'émotion ["Behind Blue Eyes"]... intro tragique au synthé, raid basse-batterie foudroyant, Keith montre sa frappe, Pete riffe riche, taloche ses accords, les étouffe, les débonde, accède à la sainte trinité aux côtés de Keith et Malcolm, refrain entraîneur ("I'll tip my hat to the new constitution / Take a bow for the new revolution / Smile and grin at the change all around / Pick up my guitar and play / Just like yesterday / Then I'll get on my knees and pray / We won't get fooled again") sur basse orgiaque, souple et fusante, à 1"48 Pete nous fait du Keith copyrighté, du "Monkey Man" revisité, huit morceaux qu'ils la voulaient cette violence épurée et majestueuse, ça riffe et re-riffe, à 3"57 un solo chuck countrysant un peu hors sujet, on s'en fout ça riffe, premier cri de Daltrey, un autre suivra, les quatre repartent à l'assaut sur leur char sonore, Moon se balade baguettes en feu, Pete tient son nouvel hymne générationnel, la sauce prend bien, puis break soudain sur fond de synthé fractal pétrifiant, attente interminable du retour de Moon, cri terrifiant de Roger qui revient en conquérant et fait saturer la baffle, fin symphonique et grandiose, six ans après "My Generation", accord final écrasé par une basse grondante ["Won't Get Fooled Again"]...
Down: le début de l'américanisation du son des quatre lascars... la mégalomanie de Townshend incapable de se résoudre à laisser le micro au seul Daltrey... la mise au rebut des fantastiques interventions de Leslie West au tout début des sessions...