Arthur Lee: Vindicator

#love

Le rock, on le sait, n'a jamais été avare en mégalos de toutes sortes et c'est à l'un des moins connus mais plus prodigues d'entre eux qu'on a choisi de s'intéresser cette fois-ci... Rescapé un peu barré des sixties, Arthur Lee, leader du premier groupe multi-racial (sic), Love, tête pensante du somptueux et inégalé Forever Changes (enregistré dans la demeure de feu Bela Lugosi), met un point d'honneur ces dernières années à réécrire la geste sacrée de son groupe maudit et, au passage, à assurer sa propre place au panthéon des mythes rock n' rollesques...

Si on l'en croit, Lee a tout d'abord découvert et lancé rien moins que les Doors... Alors que Love devenait, en 1966, le premier groupe de rock signé sur Elektra, Lee recommanda personnellement le groupe de Jim Morrison à Jack Holzman, boss d'Elektra, et l'emmena même voir le groupe post-brechtien au London Fog, sur le Sunset Strip. Mal lui en prit puisqu'un des secrets de polichinelle du rock veut que ce soit le succès des Doors, porté par le charisme écrasant de Jim Morrison, qui ait précipité la perte des pourtant surdoués Love... Bon, Lee a aidé un peu, en cantonnant les concerts du groupe à la région californienne et en déclinant une invitation au festival de Monterey mais ceci est une autre histoire...

Le chanteur ne manque du reste jamais de révéler que Jimi et lui ont eu des petites copines en commun, hypothèse difficilement contestable dans le bordel ambulant qu'était le Strip flower-powerisé de l'époque... Juste ce qu'il faut de mesquin, Lee oublie rarement de rappeler à longueur d'interviews que Pamela Courson, fameuse compagne de Jim, avait atterri dans son lit bien avant de rencontrer le Roi Lézard... Et que Ronnie Haran, une ex de Jim Morrison, devint plus tard la manager de Love... Modeste sur certains de ses titres de gloire, Lee oublie de préciser qu'il fut aussi l'un des premiers à être complètement défoncé au LSD nuit et jour ou presque, quand la Californie découvrait timidement les joies du "pot".

Souvent comparé par ailleurs à Hendrix - pas vraiment pour leur jeu de guitare respectif, Lee gratouillant sans plus à la sèche - Lee précise à l'intention des générations futures : "C'est moi qui ai inventé les accoutrements (sic) psychédéliques. À ma connaissance, j'étais le seul Noir qui se fringuait comme ça. Et en 1966, qu'est-ce que je vois ? Jimi Hendrix, sapé et coiffé exactement comme moi ! Comment Jimi pouvait-il s'habiller de la sorte, alors que j'étais le seul ? Il n'a pu que s'inspirer de moi".

Se félicitant d'être toujours en vie alors que Morrison et Hendrix bouffent les pissenlits par la racine, Lee a toujours la dent dure envers les morts qui peuvent lui faire de l'ombre. Sa bête noire ? Son guitariste (et chanteur brimé) Bryan MacLean, auteur du superbe "Alone Again Or" sur Forever Changes, dont, quelques années après sa mort, on commence à reconnaître l'exceptionnelle influence sur tout l'album... Surprise, Lee a une autre version pour tous ceux qui osent avancer que MacLean aurait au moins pu être crédité pour les mélodies fantastiques dont, de toute évidence, il est à l'origine... sinon plus : "Personne n'était le patron dans Love. Simplement, c'est moi qui ai réuni les musiciens, trouvé le nom, fondé le groupe. C'était mon groupe, il était tout à fait normal qu'on joue ma musique... De toute façon, Bryan écrivait moins que moi. (...) Bryan a fait 'Alone Or Again', point final..."

Et le nom ridicule du groupe, au fait ? Non content de s'en attribuer évidemment la paternité alors que la légende veut que le nom ait été voté par le public lors d'un concert, Lee assume fièrement sa trouvaille, en appelant à la logique la plus élémentaire : "Je suis fier du nom Love. Ce nom ne dit pas d'aller tuer son voisin ou d'arnaquer son prochain"

En 1996, après avoir été condamné pour détention de drogues et l'incendie de l'appartement d'une de ses ex, Lee a été à nouveau condamné, cette fois-ci à un maximum de douze ans de prison, pour avoir tiré en l'air quand un de ses voisins est venu lui demander de baisser sa musique. Libéré en 2001, et toujours rempli d'amour, Lee a dit de son avocat : "As far as I'm concerned, he should have died in his daddy's dick".