David Coverdale: Give Me Kindness
Aujourd'hui, la bataille médiatique de nos deux péroxydés préférés : à ma gauche David Coverdale, à ma droite Robert Plant... Accessoirement tous deux fameux blues-shouters au talent, disons, difficilement comparable, les Anglais ont bien failli en venir aux mains quand en 1993 James Patrick Page - faut-il le rappeler monsieur six-cordes chez Led Zep - lassé des atermoiements de son ex-partner Plant et pressé de retourner en studio décida de courtiser rien moins que le plus parfait clône de Plant, l'ex-Deep Purple et ex-Whitesnake David Coverdale... Trahison impensable - un peu comme si Monsieur partait avec la bonne... - qui meurtrit plus d'un fan mais qui accoucha d'un album plus qu'honorable et qui réveilla Plant, dont les bons mots qui régalent la presse depuis 1969 se firent soudainement fielleux...
1993, donc. Les rumeurs de reformation du Dirigeable vont alors bon train, comme à peu près tous les ans, du reste, depuis la mort du regretté Bonham... Plant fait le difficile - c'est l'époque où il refuse de chanter "Stairway to Heaven", "this bloody wedding song" dixit le chanteur - et du coup Page prend tout le monde de court en s'enfermant en studio avec une section rythmique déjà oubliée et surtout, derrière le micro, David Coverdale, donc... Pour l'occasion, le guitariste sort l'artillerie lourde - La Les Paul TransPerformance, le dulcimer (abandonné depuis "That's The Way" sur Led Zeppelin III...), la Gibson Harp-Guitar des années 20 - et distille les allusions plus ou moins fines à son glorieux passé à jamais révolu, du solo de "Take Me For A Little While" fortement calqué sur celui de "Stairway" à l'artwork pourri de la pochette inspiré de la créa hipgnosiso-pourrave de Presence, en passant par le riff mastoc de "Shake My Tree", chute de studio de l'époque In Through The Out Door que Page essayait de refourguer depuis à tous ses groupes, dont The Firm...
Et Plant dans tout ça ? Piqué au vif par la terrible nouvelle et, chose curieuse, un peu vexé par cette humiliation mondiale, l'ex-Viking du hard entama par journaux interposés une joute sanglante avec celui qu'il n'allait pas tarder à appeler "David Cover-version"... Rappelons quand même avant d'entrer dans le détail des hostilités, que Coverdale, avant de devenir une espèce de sous-Plant sauce MTV, fit ses armes et plutôt brillamment au sein de Deep Purple (Mark IV) notamment pour le très convaincant Burn et que Whitesnake, à ses tout débuts, trahissait encore quelques attaches blues bienvenues... Mais les fans du Dirigeable ne surent pas lui pardonner, en 1987, la vidéo de "Still Of The Night" dans laquelle le guitariste Adrian Vandenberg s'emparait d'un archet, privilège Pagesque comme on le sait, sur fond de vague pompage de "Immigrant Song" et "Black Dog" : pour tous les zeppophiles - et Plant, surtout -, la preuve était faite : Coverdale, pas vraiment responsable pour le coup mais bon, voulait être calife à la place du calife et Whitesnake était son cheval de Troie (amis historiens, qui ne nous lisez pas, pardonnez ce choc des cultures)... Page, quant à lui, trouvait ça gentiment ridicule et s'en amusait : « I was watching TV and when I saw that guy pick up the bow I just about fell out of my bed laughing. »...
Coverdale fit une autre erreur : confier à un journaliste que Plant et lui étaient presque amis et de longue date encore... Evidemment, Sa Majesté Plant nia avec vigueur et passa les semaines suivantes à descendre le pauvre Coverdale dans la presse tant et si bien que celui-ci décida fort courtoisement de calmer le jeu : "The thing that hurt me most of all is Robert saying that we didn't know each other. When you asked before if Jimmy and I knew each other, we'd crossed paths, had maybe three chance meetings throught the 70s; whereas Robert had brought his daughter to Whitesnake shows when we played in his neck of the woods, and he'd been given the whole royal treatment and all that. I knew Robert back in the 'Purple days, him and Bonzo".
Grand prince, Coverdale ajouta même pour clore l'incident : "But I'd rather stay out of all that and let the music do the talking, really. I admire Robert immensely - I'll leave it at that". Ce à quoi Plant, délaissant un temps sa proverbiale ironie, crut bon répondre en manière de conclusion : "Coverdale is a fucking idiot". Ce fut trop pour le pauvre Coverdale qui, éreinté par les critiques, jeta l'éponge après l'enregistrement.
Plant retrouva Page dès l'année suivante pour le projet No Quarter Unledded qui connut la suite que l'on sait... Quant à Page le démoniaque, il clame naturellement l'innocence la plus totale et exclut, comme de bien entendu, toute manipulation machiavélique dans cette affaire dont le dénouement était des plus naturels...