Frank Zappa: The Torture Never Stops

Héritier autoproclamé de Hugo Ball et Tristan Tzara, Frank Zappa a, qui pour l'ignorer, appliqué consciencieusement les préceptes dadaïstes à sa propre progéniture, générant à la volée surnoms loufoques et sobriquets absurdes pour le plus grand plaisir de ses fans... Décryptage des origines des noms de guerre de la tribu zappaïenne, animaux compris tant qu'on y est...

Côté bêtes à poil et à plumes, la famille Zappa a longtemps hébergé le chien Frunobulax (en référence au monstrueux caniche géant de "Cheepnis"), le chat Gorgo (diminutif de Gorgonzola, hommage à un personnage du méconnu Captain Beefheart vs. The Grunt People, indispensable film de science-fiction, co-écrit avec Don Van Vliet) ou bien encore le cacatoès Bird Reynolds, une dédicace de goût au célèbre acteur...

Plus troublants, les noms affublés par le guitariste varésien à ses enfants : s'y croisent influences lyrico-alimentaires (Diva "Muffin" Zappa), néo-baba (Moon Unit Zappa) ou encore atlantico-perses (Ahmet Emuukha Rodan Zappa). Si "Diva" trouve son origine logique dans la voix haut perchée de l'intéressée ("Muffin" étant un clin d'œil à une vieille obsession de Zappa, parfois remplacé par "Magika") et Ahmet est une référence plutôt explicite... au légendaire boss d'Atlantic Ahmet Ertegun, le cas "Moon Unit" est un peu plus complexe.

Avant la naissance, Zappa demanda à Gail, sa femme, de choisir impérativement entre "Moon" et "Motorhead" (sans le umlaut), du (sur)nom d'un de ses musiciens... Dans un opportun éclair de lucidité, Gail choisit sans hésiter "Moon" avant de sacrifier à l'absurde contagieux de son mari en demandant qu'on ajoute "Unit Two" au prénom de l'enfant, sous le prétexte indiscutable qu'au couple Zappa s'ajouterait, avec la naissance de l'enfant, une deuxième, et bien, "unité"...

Et Dweezil, le rejeton néo-vaïen du clan ? Une référence au petit orteil biscornu de Gail qui fascinait tant le Maître qu'il pondit ce néologisme avant d'en gratifier généreusement son fils... dont le nom complet, à peine moins ridicule, est Ian Donald Calvin Euclid Zappa...

Pas le moins du monde gêné par ces choix très personnels, Zappa, pour sa part, est toujours resté convaincu que les prénoms de ses enfants n'étaient aucunement problématiques : "People make a lot of fuss about my kids having such supposedly 'strange names', but the fact is that no matter what first names I might have given them, it is the last name that is going to get them in trouble."

Autre chose ? Ah oui, on a failli oublier : jamais à court d'inspiration, Zappa avait confié en 1979 à une journaliste, peu avant la naissance de Diva : "If it's a boy we'll name it Burt Reynolds, Clint Eastwood if a girl".