Free: Worry
"What's in a name?", comme diraient nos voisins anglo-saxons... Combien de groupes cultes au nom pourri, dirons-nous ? Love, Blue Cheer, Beatles, etc. pas très folichon, tout ça, non ? La palme revient peut-être à Free qui, pour le même prix, hérita d'un nom idiot qui lui porta plus la poisse qu'autre chose...
Quand en 1968, Paul Rodgers, Simon Kirke (tous deux 18 ans), Paul Kossof (17 ans) et Andy Fraser (15 ans !) décident de former un groupe de blues, tout s'enchaîne très vite, comme dirait Manœuvre : Chris Blackwell, le boss d'Island, les convoque, leur serre la paluche et les signe dans la foulée. Un seul souci : leur trouver un nom, vite fait, bien fait, à la sixties. Les quatre Londoniens pensent à un vieux groupe d'Alexis Korner, Free At Last, et propose de raccourcir. "Free", peut-être ? Voilà, c'est ça : "Free"... On en reste là pour le moment dans les bureaux d'Island, en se promettant d'y réfléchir à nouveau, à l'occasion...
En attendant, les ennuis commencent dès les premiers concerts, souvent distraitement annoncés en quelques mots malvenus comme « Eight o' clock : Free »... Le point positif, c'est que beaucoup de personnes se pointaient, croyant à une fête... Le point négatif, c'est que tout le monde avait compris que le concert était gratuit... On rattrape les choses comme on peut mais, du côté des quatre rockers, on continue à assumer le nom du groupe.
De son côté, Blackwell ne tarde pas trop à réaliser que "Free", pour dire les choses rapidement, c'est un nom pourrave et sans relief, et leur demande de changer. Crime de lèse-majesté, les quatre refusent en bloc. Compréhensif, mais pas franchement inspiré, Blackwell propose "Heavy Metal Kids" qui leur arrache, à bon droit, des cris d'horreur. Blackwell, qui a signé Joe Cocker et Traffic, mais pas encore découvert Bob Marley, n'en revient pas : c'est désormais irréversible, le groupe refuse de changer de nom. Gros silence, une poignée de main, on vous rappelle. Pas fiers, le groupe sera finalement effectivement rappelé par Blackwell qui, grand seigneur, leur octroie une période d'essai de six semaines sous leur nom « merdique ».
Ces considérations patronymiques devaient continuer à leur jouer des tours - certains disent même que la séparation du groupe leur est directement imputable. Les détails ? Après le succès de "All Right Now" sur Fire & Water, les quatre enregistrèrent le sous-estimé (et supérieur ?) Highway mais, choix artistique défendable - mais suicide commercial incontestable -, l'album fut publié sous son seul titre, sans le nom du groupe, bien avant le quatrième album de Led Zeppelin en passant... Le batteur Simon Kirke s'en aperçut avec horreur quand un DJ de l'époque lui parla un jour du disque : « Les mecs s'appellent 'Highway', tu devrais écouter, c'est génial, on dirait du Free... ».
... un épilogue ? La mémoire plutôt courte, les ex-membres de Free sévirent encore à la séparation du groupe, en pondant de superbes niaiseries lexicales comme "Peace", "Toby" ou "Bad Company"...