George Harrison: Living In The Material World

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"The Quiet Beatle"... "The Dark Horse"... Deux clichés incontournables qui collent à la peau du grand George Harrison, tour à tour orfèvre hippie à la discrétion maladive de quelques-unes des plus belles mélodies des Beatles et malchanceux compositeur écrasé par le succès de John et Paul... Alors pourquoi ne pas redorer un peu le blason rock n' rollesque du guitariste en rappelant deux ou trois faits d'armes tendant à prouver que l'homme fut aussi, dans la grande tradition rock, bien allumé et pas si sage que ça...

Bon, c'est un secret pour personne que le mysticisme de Harrison a perduré bien après que McCartney, Lennon et Starr se sont fatigués des ambiances fumeuses du Maharishi Mahesh Yogi... Rapidement privé de ses compagnons de jeu - il lui était notamment arrivé de chanter SIX heures durant avec Lennon un unique mantra, plusieurs jours de suite ("On chantait donc jusqu'à en avoir les mâchoires endolories. Nous étions exaltés ; ce fut pour nous des moments de grand bonheur") - Harrison jeta donc en solo toutes ses forces dans l'hindouisme et notamment dans Hare Krishna, tous enseignements qui donnaient lieu à des expériences uniques que le guitariste ne se lassait pas de raconter : "Un jour au cours d'un voyage entre la France et le Portugal, j'ai récité un mantra pendant quelque 23 heures consécutives au volant de mon auto. Je me sentais presque invincible. Le plus drôle c'est que je ne connaissais même pas le chemin. J'avais une carte et je savais grosso modo dans quelle direction aller, mais je ne parlais ni français ni espagnol ou portugais. Mais tout cela n'avait guère d'importance. Tu comprends, dès que tu t'absorbes dans ce mantra, les événements revêtent un caractère transcendantal..."

Sérieuse alternative au GPS, donc, le mysticisme sauve aussi, faut-il le rappeler, des vies humaines : "Un jour, j'étais à bord d'un avion traversant un orage électrique. La foudre frappa l'appareil à trois reprises et un Boeing 707 passa juste au-dessus de nous, nous évitant de quelques centimètres (sic). Je croyais que la queue de l'avion avait volé en éclats. Je me rendais de Los Angeles à New York pour organiser le concert au profit du Bangladesh. Dès que notre appareil s'est mis à rebondir, j'ai commencé à chanter 'Hare Krishna, Hare Krishna, Krishna Krishna, Hare Hare !!! Hare Rama, Hare Rama, Rama Rama, Hare Hare !!!' Cela dura une heure et demie, peut-être plus. L'avion tombait de plusieurs centaines de mètres à la fois, fortement secoué par l'orage et ce, toutes lumières éteintes et dans un fracas d'explosions formidables. La terreur régnait. Quant à moi, je terminai le voyage les pieds calés contre le dossier du siège avant, ma ceinture de sécurité serrée au maximum ; agrippé aux accoudoirs, je hurlais littéralement le mantra, conscient que mon sort en dépendait. Peter Sellers a juré avoir aussi été sauvé d'un accident d'avion de la même façon."

On se prend à rêver : si Harrison avait été dans un fameux avion au-dessus de Manhattan en septembre 2001, le sort du monde en eût-il été changé ? Tout acquis aux philosophies hindoues, Harrison n'oubliait pas pour autant qu'il était avant tout un rocker et n'hésitait donc pas à se départir de temps à autre de l'hébétude propre aux introspections vaporeuses en se bourrant la gueule, au point d'essayer de jeter un verre au visage de Jayne Mansfield lors d'une soirée arrosée ou de couper à la main le gâteau d'anniversaire de John Bonham en 1972 en poussant un cri karateka, "de la mort" comme il se doit (il fut promptement jeté dans une piscine par le reste de Led Zeppelin)...

Pas tout à fait détaché des choses de ce monde, il savait aussi se montrer conciliant avec les moins spirituel(le)s de ses fans, surtout lorsque ceux-ci étaient blondes, avec le soutien de son épouse très compréhensive : accosté par une superbe groupie alors qu'il s'abîmait dans la pratique studieuse de son ukulele qui ne le quittait alors jamais, Harrison eut la présence d'esprit de demander à la jeune femme de lui administrer grâcieusement une gâterie. Probable adepte, elle aussi, de la non-violence, la jeune femme s'exécuta de bonne grâce mais, peu sensible au génie musical du grand George, ébruita peu après sa décevante expérience à qui voulait l'entendre : "The entire time I sucked him off, he kept playing that damned ukulele!"...