Heard It On The X #19
Encore sous le coup de la réédition de l'intégrale des Fab Four, on propage modestement l'onde de choc en nos colonnes, pour se faire plaisir aussi en fait, avec la dix-neuvième édition de nos short stories rock n' rollesques, centrées sur le Studio 2, Abbey Road Studios. Au menu coléoptère du jour, l'importance historique d'un cri devenu anodin dans "It Won't Be Long", le génie versatile de Macca un certain jour de juin 1965 autour de "I'm Down" et la vérité sur la soul, plastic ou rubber, de "Drive My Car"...
Ouane/ Juillet 1963 : un joyau trop méconnu, le "It Won't Be Long" des jeunes scarabées... Pour le situer, disons que si vous êtes capable de résister à ce titre jouissif à souhait, mieux vaut laisser tomber les Beatles et le rock aussi, tant qu'on y est... Bref, cette splendeur a une particularité (outre celle la liant à Neil Young mais on vous laisse chercher), celle de faire entendre le mot "yeah" et pas qu'une fois... OK, dès "She Loves You", enregistré le même mois, on y avait eu droit mais il faut bien se représenter la révolution culturo-linguistique que l'utilisation de ce mot américain, si banal en rock outre-atlantique, véhiculait, prononcé par un groupe de Liverpool, auprès du jeune public anglais... Le clou fut ainsi enfoncé avec ce "It Won't Be Long" après lequel plus personne en Angleterre ne put ignorer le mot yankee : on l'y entend en effet cinquante-six fois...
Tou/ Juin 1965 : Paul, dont, apprend-on avec stupeur, certains pensent encore que c'est le gentil chanteur compositeur gnangnan du groupe - reconnaissant du bout des oreilles, comme l'exception qui confirme la règle, la violence du hard rock saignant "Helter Skelter" - enregistre un titre furieux, pastiche de Little Richard, ce "I'm Down", que beaucoup redécouvriront dans les années 1980 avec la reprise plutôt réussie qu'en fit Aerosmith... S'il évoque un peu le "Twist And Shout" enregistré par Lennon deux ans plus tôt, il est aussi presque indissociable d'un autre rock pêchu chanté par John, ce "Bad Boy" habilement placé à ses côtés ou presque sur l'album Past Masters (mettez les deux à la suite, effet garanti)... Bref, ce rock hystérique fut enregistré par Paulo à la faveur d'une journée plutôt bien remplie puisque, quelques heures plus tôt, il avait commis avec ses potes le titre "I've Just Seen A Face" et puis, ah oui, "Yesterday"... Un peu fatigué , Macca était rentré se reposer en fin d'après-midi pour revenir au studio et tromper son ennui en enregistrant ce déchiré "I'm Down"... (À quoi tient un destin ? Nous, dimanche dernier, on a accordé notre basse pendant une heure, tiens)
Sri/ Octobre 1965 : "Drive My Car", une idée de titre de Paulo encore, pas tout à fait aboutie, mais avec le concours de John, les Fab Four glisse vers ce rock pour adultes en gestation, avec des thématiques un peu plus matures à la clé et l'ironie acide de Lennon qui s'épanche un peu... Premier titre de l'album Rubber Soul, au nom clin d'œil à la "Plastic Soul" de Jagger (selon un ricain à la dent dure qui aurait pu, du reste, faire le même procès au blues anglais dans son ensemble), il est aiguillonné par un petit riff sympatoche de George ouvertement inspiré de rien moins que le "Respect" de Otis Redding... Paul reprend le riff à la basse (et non, George, malgré une légende tenace) et s'enfile même le solo à la gratte électrique, au passage (et non, George, malgré une légende tenace)... Et si les Beatles en ont gentiment chié pour le finaliser, poussant exceptionnellement jusqu'aux petites heures du matin, le titre est une splendeur, à qui la remasterisation rend violemment justice (même si Macca n'aime rien tant qu'à rappeler qu'il s'en bat des remasterisations, les Beatles ayant été écouté par des millions de personnes sur un pauvre transistor, sur la plage)... "Beep beep hmmm beep beep yeah!"