Heard It On The X #3
Troisième édition de notre désormais traditionnelle revue de short stories rock n' rollesques en vrac - au menu du jour, une thématique allemande souterraine avec la rencontre au sommet entre Elvis, le fantôme de Django Reinhardt et Line Renaud, les dérapages fumeux de Grace Slick à bord du Starship et les hallucinées velléités fascisantes de Bowie au pire de sa descente...
Ouane/ On le sait, Elvis n'a jamais pu chanter en dehors des États-Unis et donc, si on se suit bien, jamais en France, courtesy of le Colonel Parker et ses problèmes de passeport louche... Pourtant, en décembre 1959, au Casino de Paris, qui donc aperçoit-on au balcon en tenue militaire ? Le flamboyant King avec trois potes, en permission, bien loin des rigueurs de l'Allemagne où il effectue son service... Au programme ce soir-là, la revue "Plaisir" avec le Golden Gate Quartet et sa tête d'affiche, Line Renaud... Invité backstage dans la loge de M'ame Renaud par son fameux mari Loulou Gasté, Elvis apprend que la guitare de ce dernier est la célèbre Selmer, héritée de Django Reinhardt et tombe en dévotion devant l'instrument... Dans l'euphorie, on va chercher les membres du Golden Gate Quartet pour improviser une jam et Elvis de reprendre avec les gars, quatre heures durant, jusqu'à 6 heures du mat', gospels et negro spirituals de son enfance... Line est catégorique : aucun enregistrement de la chose n'existe, cherchez pas.
Tou/ Jamais la dernière pour l'ouvrir - ou montrer ses nibards - (ou les deux / trois), Grace Slick a pu, dans les derniers jours du gonflant Jefferson Starship, se laisser aller à quelques excès, notamment d'alcool, lui occasionnant de sérieuses déconvenues en concert... Tôt coutumière du fait, elle avait déjà, entre autres embarrassantes incartades, sauté sur la scène d'un show de Crosby, Stills, Nash & Young pour y effectuer un kata perso (et silencieux) de karaté avant d'être virée manu militari par l'organisateur, le dévoué Bill Graham... En 1978, toujours au top, pendant une tournée européenne du Starship, Grace, passablement éméchée, ne réussit même pas à assurer le minimum syndical d'une date allemande, à Lorelei précisément... Le concert en fut même annulé, ce qui jeta la foule teutonne dans une furie sans nom, scène réduite en pièces et roadies tabassés dans la foulée, comme il se doit... Gênée, mais pas trop, Grace remit le couvert, pour ainsi dire, dès la date suivante à Hambourg et, à nouveau bourrée, se lança dans une leçon d'histoire ambiguë et bien casse-gueule sur le thème des "vrais" et "faux" vainqueurs de "la" Guerre devant un public germain pas vraiment à son aise... Slick a arrêté les frais en 1989 et est devenue peintre, personne s'est plaint...
Sri/ Les dérapages de nos rock stars, sur le versant raciste, sont légion et, charité oblige, ne seront en ces colonnes attribués qu'à des coups de fatigues passagers... C'est probablement le cas de Sa Majesté Bowie qui connut en 1975 la pire de ses années poudrées (dixit le Dave himself) et enchaîna la suivante avec une série de faux-pas diplomatiques qu'on espère tout aussi peu lucides... En mai 1976, en route pour un show à Wembley, il débarque, chemise brune, à la Victoria Station à bord d'une Mercedes décapotable noire et, se levant, gratifie ses fans en délire d'un salut nazi en bonne et due forme - la photo existe, on vous laisse la chercher... Le geste, bref mais plutôt univoque, adressé à une foule dévote, se voulait théâtral et ironique selon l'intéressé mais le mal était fait... D'autant que, tout à ses lectures de Brecht et à son nouveau personnage glacial, le Thin White Duke n'avait pas fait mystère, à la faveur d'interviews antérieures et dans des raccourcis très personnels, de son attrait pour le fascisme, donnant un coup de vieux à l'appréciation lennonesque des popularités respectives des Fab Four et de Jésus Christ en avançant que Hitler était la première rock star, préconisant de toute urgence à l'Angleterre un leader facho ("after all fascism is nationalism"...) et déclarant, bravache : "I think I might have been a bloody good Hitler"... Les ravages de l'hystérie collective Ziggy Stardust avaient, semble-t-il, encore davantage traumatisé le grand Bowie que lui-même, pourtant très critique sur cette période, ne voulait même l'admettre...