Iron Maiden: Strange World
"Sharon Osbourne is obviously completely mad" (Bruce Dickinson)... "Bruce Dickinson is a prick" (Sharon Osbourne)... Un échange d'amabilités entre le chanteur d'Iron Maiden et la femme de l'impayable Ozzy qui donne le ton de la déjà culte prise de becs entre le staff de l'Ozzfest - festival de rock un chouïa beaufisant "organisé" depuis une bonne décennie par Ozzy et son équipe... - et Iron Maiden : coups bas, insultes et sabotages sont au programme évidemment, les principaux intéressés restant, plus d'un an après l'événement, toujours aussi remontés à l'évocation de ce triste épisode métalleux...
20 août 2005, donc : l'Ozzfest bat son plein à Devore, près de San Bernardino, devant 45000 Californiens ou apparentés... Prestigieux guest-stars de la soirée, les Britons Iron Maiden s'apprêtent à livrer une fois de plus un show impeccable de virtuosité, propulsé par l'effarante cavalcade de triolets de Steve Harris et les duels de guitares à la tierce des Wonder Twins Murray-Smith comme autant d'hommages aux trop méconnus Wishbone Ash... Dès leur entrée du groupe sur scène, un roadie malin fait passer directement dans les amplis un cri de ralliement sacrilège pré-enregistré : "O-zzy, O-zzy !" alors que Dickinson tente de placer deux mots... Le chanteur en spondex enchaîne fort logiquement avec un "Mai-den !, Mai-den !" du meilleur goût tandis que le public, partagé et n'y comprenant surtout rien, scande un peu les deux noms, pour voir...
Professionnel, le quintet londonien enchaîne consciencieusement sa set-list mais essuie bientôt une pluie de projectiles - oeufs, briquets, bouchons de bouteille et, naturellement, crachats sans lesquels un festival rock déçoit immanquablement - le tout devant un service de sécurité singulièrement impassible... Le groupe s'accroche et continue son show même lorsqu'un roadie - le même ? - décidément bien maladroit débranche le son et trois fois de suite encore... Dickinson, fin diplomate, décide de raisonner la foule en l'encourageant à casser les bras de toute personne surprise à jeter quelque chose sur la scène et en mettant une louche sur le American way of life... Le concert se poursuit bon an mal an avec " The Trooper" : Bruce interrompt un instant ses vocalises opératiques et agite un grand drapeau britannique - c'est le moment que choisit un brave gars du public pour débouler from backstage avec un drapeau américain et sur le dos une inscription peinte à la va-vite : "Don't fuck with Ozzy!". Une petite tentative d'enlèvement d'Eddie, la mascotte maidenienne, manque de provoquer (vraiment) une émeute dans le public, divisé et complètement désorienté...
Bref, plutôt méthodique et coordonné, ce sabotage, non ? Et en tout cas, pas vraiment improvisé, on le voit... C'est du reste l'explication qui prévaut à ce jour, moins parce que les théories conspirationnistes ont toujours eu bonne presse chez les métalleux, que parce qu'on imagine mal un service d'ordre autre que corrompu laisser entrer quelqu'un avec trois boîtes de douze oeufs (oui, la personne fut identifiée)... Plus raisonnablement, la cohabitation entre la bande de Dickinson et le staff de l'Ozzfest - et notamment sa charmante épouse - a dès ses tout débuts montré ses limites et explique sans doute la chose...
Tout a commencé avec Dickinson qui a cru bon lâcher ce commentaire perfide pendant un précédent concert de l'Ozzfest, à Detroit celui-là... "You'll never hear Maiden on U.S. radio, MTV and certainly never see them in a reality show" puis s'est répandu en remarques assassines (plutôt fondées a priori) sur la gestion du festival par le couple infernal des Osbourne : "It was my usual love/hate relationship with corporate America... Ozzfest is a corporate rock event at which they sell the front 10-12 rows to corporate seats and not to kids. Most of the bands pay a lot of money to be on the Ozzfest, they get paid next to nothing. The whole way it's being portrayed as being some kind of altruistic holiday for all the bands is absolute nonsense, it's complete bullshit. Most of the bands are there because they paid to be there... What we do is we are a heavy metal band and what we care about is our fans. That's it."
Piquée au vif - on le serait à moins - Sharon Osbourne, manager de son mari, s'était jurée de venger l'honneur immaculé comme on le sait de sa famille et, comme elle le reconnut, orchestra savamment ce sabotage en règle, si classe, qu'elle conclut d'ailleurs ce soir-là en montant sur scène et en faisant une déclaration à la foule, l'assurant de son profond respect pour le groupe, à l'exception de Dickinson, un "connard", donc...
La suite ? Lettres d'insultes officielles par site interposée, Sharon se posant en la véritable Vierge de fer offensée, et Maiden qui abandonna la tournée, et fut remplacé au pied-levé par Velvet Revolver, affirmant haut et fort le dégoût que lui inspire la dangereuse impéritie du staff ozzyesque... On se remet dans l'ambiance ?