Jimi Hendrix: Who Knows
En 1996, une certaine Monika Dannemann était retrouvée, suicidée, dans sa Mercedes-Benz emplie de gaz d'échappements, dans son cottage de Seaford, au fin fond du Sussex... Pour beaucoup, avec l'infortunée quinqua hippie s'envolait tout espoir d'y voir clair dans la mort, vingt-six ans plus tôt, de certain guitariste irlando-cherokee... La disparition ultra-rebattue d'Hendrix, le 18 septembre 1970, en nos colonnes ? Vous croyez vraiment tout savoir ? Allez, on explore, on révise, on découvre...
Afin que nul n'en ignore, rappelons que James Marshall Hendrix après avoir tutoyé les étoiles et patati et patata est mort étouffé dans ses vomissures, un funeste et pas très galactique matin de fin d'été, dans un appartement londonien... Conclusion officiellement officielle qui, naturellement, n'a jamais satisfait grand-monde et qui a, comme toujours, vite laissé la place à des théories en tous genres, y compris - c'est notre dada, ici - les incontournables thèses conspirationnistes...
Au premier rang des rumeurs entourant la mort du prodige, on trouve, bien sûr, la théorie de la mort par overdose d'héroïne... Believe it or not, tout fumeux qu'il était, Hendrix était grand amateur de LSD mais ne toucha, dit-on, que très rarement à l'héro (mais se fit coincer quand même avec)... Ce 18 septembre, ce sont surtout des pilules d'un somnifère, le Vesperax, qu'il prit en (trop) grande quantité... On parle de sept, ou de neuf, selon les versions...
Et le vrai-faux déroulé de cette terrible nuit ? Enter Monika Danneman, ex-patineuse allemande de Düsseldorf et copine anglaise de Hendrix à l'époque qui, si on l'en croit, allait justement l'épouser au moment de sa mort... En tout cas, si la pauvre Monika se retrouve au cœur de l'affaire, c'est bien parce que la mort fut (plus ou moins) constatée en son appartement, au Samarkand Hotel, 22 Lansdowne Crescent, à Notting Hill et qu'en tous les cas, elle fut la dernière personne à voir Jimi vivant... La version de la donzelle, pas nécessairement sans failles, est la suivante : le couple est rentré à 3h du matin le 18 septembre, s'est couché à 7h, Jimi piochant dans les pilules de Monika... Réveillée trois heures plus tard, Monika sort chercher des clopes - quelle vie, que celle d'artiste(s) - et à son retour trouve Jimi inconscient, comme étouffé par ses propres vomissures, mais vivant... Selon sa version, elle aurait appelé quelqu'un (?) qui lui aurait conseillé, au risque de l'originalité, d'appeler une ambulance... Selon une autre version, elle aurait perdu du temps à chercher à localiser le médecin personnel de Jimi, en passant quelques coups de fils dilatoires... Bref, l'ambulance fut appelée mais... près d'une heure plus tard, à 11h18 exactement pour ceux qui veulent fêter ça rigoureusement en septembre prochain... Elle aurait par ailleurs mis neuf minutes à faire rendre Jimi, du vin rouge si vous voulez tout savoir... Après - enfin, déjà que... - ça devient obscur et on verse dans le Rashomon rock... Monika assure qu'à l'arrivée de l'ambulance, et même à l'intérieur de celle-ci, Jimi bougeait encore... Les ambulanciers auraient, accuse-t-elle, tarder à faire dégueuler Jimi... Bon, on arrête là, on vous donne une ambiance surtout...
Tout le monde, les fans les premiers, y alla de sa version : la faute aux ambulanciers, à Danneman, etc. La thèse du suicide eut longtemps bonne presse, probablement parce qu'elle fut, sinon lancée, du moins fortement soutenue par un Eric Burdon irresponsable qui lâcha en pleine émission télévisée - 24 Hours - que le guitariste était suicidaire... Pour preuve, un bout de poème de Jimi, trouvé après sa mort, qu'il produisit à l'antenne : "the story of life is quicker than the wink of an eye; the story of love is hello and goodbye ; until we meet again"... Si la consternante médiocrité de ces trois vers donne effectivement envie de se jeter par la fenêtre, rien n'indique par ailleurs que Jimi ait eu de quelconques pensées aussi morbides... Burdon s'est ravisé par la suite, on avança que sept ou neuf pilules, c'est peu pour le grand saut quand une cinquantaine étaient à disposition, mais le mal était fait...
Pêle-mêle, on a aussi invoqué la thèse de l'assassinat - comme pour Janis, Brian, Jim, Elvis, etc. - en arguant qu'une telle série de disparitions dans le monde du rock ne pouvait être fortuite et conséquemment n'être le fait que du gouvernement américain jamais en retard pour supprimer les éléments les plus agitateurs de son incontrôlable contre-culture... Le propre manager de Hendrix, Mike Jeffrey, qui allait être viré, fut aussi accusé par quelques esprits échauffés d'avoir fomenté une vengeance mais le tout retomba comme un vieux soufflé... On aussi parlé d'un foulard autour du cou du guitariste, avec de lourds sous-entendus visant Danneman pourtant tout à fait innocentée, si l'on peut dire, par la justice...
Et Danneman, justement ? Elle disparut un temps avec la Stratocaster de Jimi qu'on ne revit jamais... Elle fut peu après la compagne de Uli Jon Roth qui poussa donc l'adoration hendrixienne jusqu'à investir l'ex du guitariste spatial et récupéra peut-être certaine guitare mythique... L'ex-patineuse écrivit d'ailleurs avec lui le "We'll Burn the Sky" de Scorpions puis lui pondit une ou deux couvertures pour son superbe Electric Sun mais ceci est probablement une autre histoire...
L'embêtant, c'est qu'en entre deux menaces de mort, elle ne fit ensuite rien qu'à se contredire d'une version à l'autre alors que, côté médical et policier, on avait vite précisé que Danneman n'était jamais monté dans l'ambulance, et que d'ailleurs quand les ambulanciers étaient arrivés, l'appart était vide et Hendrix mort, et depuis longtemps encore... Danneman en vient même à se friter oralement avec une autre ex d'Hendrix, Kathy Etchingham, au point que la justice finit en 1996 par lui interdire de calomnier sa concurrente... Quelques jours plus tard, elle était morte : Uli, lui, n'a jamais admis la thèse du suicide...