Led Zeppelin: Moby Dick
On sait combien Peter Grant, colossal manager de Led Zeppelin, prenait la défense des intérêts du Dirigeable particulièrement à cœur... On se souvient aussi que, quand les premiers enregistrements pirates du groupe se mirent à fleurir chez les disquaires du monde entier, Grant ne loupait jamais une occasion de faire la morale à ces trublions de l'industrie musicale que sont les bootleggers, quitte à déraper un peu... Retour sur les techniques de dissuasion du pachyderme volant qui notre époque de téléchargements hystériques aurait probablement beaucoup fait souffrir...
Au tout début de sa croisade anti-bootlegs, Grant, précédé d'un savoir-vivre tout britannique et d'une bonne dose de naïveté, tenta de ramener les acheteurs d'enregistrement pirates du groupe à la raison en lançant une rumeur farfelue selon laquelle les bootlegs zeppeliniens étaient si mal pressés que leur écoute devenait impossible après quelques passages. On estime que ses conseils furent complètement ignorés par une majorité écrasante de fans (ou pas) du groupe...
S'il continua à prêcher pour sa cause tout au long des seventies, Grant prit rapidement la mesure du drame financier qui guettait le Dirigeable et passa à la phase deux, dont on ne vous fera pas l'insulte de rappeler qu'elle consistait en beaucoup de bon sens et pas mal de nez cassés, en bref : se rendre chez les disquaires, détruire tous les enregistrements illégaux du Zep et partir en laissant quelques bourre-pifs en pourboire.
Complètement obnubilé par les bootlegs, Grant avait aussi pris l'habitude de se glisser - avec autant de discrétion que sa carrure le lui permettait - dans le public lors des concerts et traquer les traîtres à la cause dont il pulvérisait les enregistreurs. Un combat juste et quichottien, auquel on ne peut rendre justice sans évoquer les débordements, réels ou fictifs, auquel il donna lieu, puisqu'on parla même d'un mort sans que Grant ne soit jamais accusé officiellement de quoi que ce soit...
Allez, pour finir, une anecdote parmi des dizaines, qui résume bien l'entreprise de Peter « The Whale » Grant : en tournée au Canada en 1971, Grant localisa toute une équipe de bootleggers qui officiaient au grand jour, sans la moindre gêne. Son sang ne fit qu'un tour, comme on l'imagine, et, avec deux ou trois potes, il réduisit en pièces tout le matériel, étonnamment conséquent, des fraudeurs puis, éternel pédagogue, les tabassa. Une bonne rigolade un peu gâchée par la révélation tardive qu'il s'agissait, en fait, de fonctionnaires fédéraux des contrôles sonores, dépêchés en visite par le gouvernement canadien. Bilan : deux mâchoires cassées et 2500 dollars de dégâts...
Grant est mort en 1995, en restant, jusqu'au bout, fermement convaincu du bien-fondé de sa guerre sainte : "Bootlegging is not only dishonest but a diabolical insult to an artist (...) Zeppelin will not allow to be represented by an inferior product, and I feel sure, too, that public will not buy these records which are putrid in quality".