The Beach Boys: Amusement Parks U.S.A.
Et nos gentils Beach Boys et leurs bluettes candides saccharosées, magnifiées par leur leader autiste, passeront-ils enfin dans les fourches caudines de notre blog préféré, vous entend-on d'ici ? Brian Wilson est certes un morceau de choix sur lequel nous reviendrons probablement un jour à la suite de Nick Kent mais, dans l'intervalle, on vous propose une petite incursion dans les brèves et sulfureuses relations entre un Dennis Wilson un peu dépassé et un fameux déséquilibré et sa Famille, à l'été 1968, quelques mois avant qu'il ne zigouille une célèbre maisonnée...
Le contexte, d'abord : avant de devenir le psychopathe le plus rock n' roll du circuit en organisant, à la suite d'une écoute très subjective du White Album des Beatles, l'horrible assassinat de Sharon Tate et de ses amies le 9 août 1969, Charles Manson - car c'est bien de lui qu'il s'agit, of course - a longtemps nourri des ambitions artistiques avec une pugnacité toute personnelle... L'occasion pour nous de dégonfler la baudruche d'une légende tenace : on a pu dire que Manson avait auditionné pour les Monkees - 437 candidats rameutés par une annonce du Daily Variety, le 8 Septembre 1965, cherchant "4 Insane Boys, Age 17-21" pour le pilote d'une série TV sur le groupe - mais éconduit, au même titre d'ailleurs que Stephen Stills, en avait conçu un ressentiment dont il n'est pas exclu que son terrible forfait ultérieur soit la conséquence...
Une relecture a posteriori un poil forcée, pas forcément fausse sur le fond d'ailleurs comme on le verra plus loin, mais, factuellement, même si le fameux disc-jockey angelenos Rodney Bingenheimer a confirmé avoir vu Manson pendant l'audition, l'affaire est tout bonnement impossible : Manson passa l'essentiel des sixties en prison, alternant les plaisirs - Terminal Island à San Pedro (Californie), United States Penitentiary à McNeil Island (Washington) - à la faveur de peines choisies (faux chèques, violations du Mann Act, etc.) pour n'en sortir que le 21 mars 1967 et... y retourner le 19 novembre 1969, quelques semaines après le massacre, cette fois-ci à la Corcoran State Prison (Californie), où sauf erreur, il purge encore sa peine aujourd'hui...
Exception faite de ce mythe forgé de toutes pièces, les aspirations artistiques de Manson sont avérées : le producteur Phil Kaufman dit de lui que "He sounded like a young Frankie Laine and was really quite good" ce qu'il faut plutôt prendre comme un compliment et Neil Young lui-même, un temps pote avec le taré, alla même jusqu'à dire : "He had this kind of music that nobody else was doing. I thought he really had something crazy, something great. He was like a living poet"... Bon, pour être plus objectif, on s'accorde généralement pour dire que Manson gratouillait sa guitare, plutôt mal, et voulait surtout devenir une star...
Et nos Garçons de la Plage dans tout ça ? Tout commence avec Dennis Wilson, batteur des Beach Boys, qui prit en stop, un beau jour de l'été 1968, un couple de jeunes filles et les invita dans sa propriété pour une partie fine improvisée vite fait, bien fait... Les choses sérieuses consommées, Dennis s'absenta pour aller enregistrer en studio deux ou trois bricoles et découvrit à son retour, la "Famille" de Manson au complet, installés chez lui, son terrifiant leader compris... La sinistre tribu s'y trouva si bien qu'elle y squatta un an, le pauvre Dennis craignant par trop les réactions excessives de Manson dont curieusement les arguments - par exemple rester chez Dennis ou faire disparaître son fils - firent mouche et calmèrent les ardeurs de propriétaires du batteur... Le frère Wilson préféra ainsi s'exiler et laisser la maison au squatteur et à sa tribu en attendant l'expiration du bail... « The Wizard », comme Manson se faisait alors appeler, obtint même du batteur qu'il paie les soins dentaires de toute la Famille... Oh hippie days ! comme dirait l'autre...
Artiste dans l'âme, donc, Manson ne perdit pas de vue son objectif principal et fit pression sur Dennis pour qu'il l'introduise auprès de producteurs et l'aide enfin à concrétiser son rêve.. Le batteur, aux ordres, lui présenta illico son producteur Terry Melcher, ainsi que son épouse l'actrice Candice Bergen, dans la maison même où se déroula l'année suivante la sanglante équipée... Manson passa une audition, fut pressenti pour un film, mais se fit bouler... Verdict de Dennis : "Charlie didn't have a musical bone in his whole body"... C'est ainsi que, plus que les personnes en cause, c'est le lieu même de l'humiliation qui, au dire de certains, devint le symbole du rejet de Manson par l'industrie du disque et qui poussa l'illuminé à assouvir sa vengeance sur de parfait(e)s inconnu(e)s alors même qu'il savait pertinemment que Melcher et Bergen avaient déménagé à Malibu...
Quoi qu'il en soit, Manson réussit également à s'immiscer dans les sessions d'enregistrement des Beach Boys, dans le propre studio de Brian... Vaguement compositeur, il proposa aux faux surfeurs californiens quelques-uns de ses titres maison, et, devinez quoi, fut si persuasif que les quatre garçons en retinrent un qu'ils enregistrèrent dans la foulée... Y décelèrent-ils une qualité inattendue ou le couteau que Manson brandit un jour en plein studio facilita-t-il la décision ? Nul le sait mais une chose est sûre : pour Manson, pas question de royalties, du cash illico et c'est marre...
Dennis Wilson : "He didn't want that, he wanted money instead. I gave him about a hundred thousand dollars worth of stuff"... 100 000 $, de quoi voir venir, non ? Le titre en question, "Cease To Exist" (tout un programme), fut rebaptisé "Never Learn Not To Love" par nos poètes, sortit en face B du single "Bluebirds Over The Mountain" et atteignit même la 61e place du Billboard's Hot 100, des années avant que des Guns N' Roses en mal de publicité ne reprennent un autre titre de Manson, "Look At Your Game Girl"... Le psycho réussit, quant à lui, à sortir son propre album Lie: The Love & Terror Cult, le 6 mars 1970, pour financer sa défense, avec le fameux titre dessus, comme il se doit...
Au réveil de cette incroyable odyssée dans les arcanes du Mal américain, Dennis Wilson, hébété et toujours pas remis des conséquences, certes limitées pour lui, d'un simple après-midi d'août de batifolage, s'en tint après l'arrestation de Manson à un laconique : "I don't talk about Manson, I think he's a sick fuck."