The Cure: The Final Sound
"It doesn't matter if we all die"... Avec Pornography, qui fait suite au déjà fort oppressant Faith, les trois anglais proto-gothiques laissent derrière eux, justement, tout espoir... Si l'album rend compte, de manière terrifiante, de l'irrépressible descente aux enfers du grand Robert Smith, il annonce aussi l'éclatement prévisible du trio, consommé quelques mois plus tard. Et, encore, ça aurait pu être pire (si, si) si Bob le dépressif n'était pas resté, malgré tout, un bon fils à papa...
Quand, en 1982, Smith, Simon Gallup et Lol Tolhurst s'enferment dans les studios Rak, dans le quartier de St John's Wood à Londres, c'est avant tout, pour l'excellent bassiste et le batteur sous-employé, l'occasion d'empiler des boîtes de bière pour en faire une énorme pyramide. La plaisanterie n'est pas du goût de Smith, tout aussi cocaïné que ses comparses par ailleurs, qui souhaite faire tout simplement un album définitif, insurpassable - une marotte qui trouvera une espèce de consécration avec Disintegration en 1989. Pour l'heure, achevé dans la douleur et le conflit, Pornography donne lieu à une tournée européenne lugubre et violente, qui s'achève par un concert "performance" à Bruxelles, le 11 juin, dans la plus nihiliste des anarchies puisque, ravagés par les drogues, Smith se met à la batterie, Tolhurst à la basse, Gallup à la guitare et balancent un maelström feedbacké rageur, avec le maigre soutien d'un roadie recruté, pour la circonstance, comme chanteur...
Cette lamentable tournée s'était même soldée, à l'issue d'un concert à Strasbourg, par un échange de gnons entre Smith et Gallup. Tout le monde était alors rentré en Angleterre, en laissant la tournée en plan ("De toutes façons, pour le monde qu'il y venait...", s'excusera Smith plus tard). La fin de Cure ? Pas tout à fait, grâce au propre père de Robert qui décide d'intervenir. Rappelons qu'à l'époque, Smith, 23 ans, vit encore chez ses parents et joue au docteur avec sa voisine "presque fiancée" Mary... Le père de Smith, voyant son fils revenir à la maison, ramènera le garçon à la réalité de ses devoirs, notamment en lui rappelant que les gens ont payé et qu'un Anglais n'a qu'une parole... Grâce à lui, Cure, à défaut de rester ensemble dans l'immédiat, a ainsi au moins assuré une partie de son glauque avenir, notamment en n'étant pas viré par Polydor. Ce qui n'empêchera pas le groupe de se dissoudre - temporairement - à la fin de leur horrible concert bruxellois, comme le résume Smith : "On s'est dit à peine "salut" et on s'est plus adressé la parole pendant un an et demi..."