The Grateful Dead & Friends: That's It For The Other One
Allez, comme promis (?), on se cogne la suite de notre saga printano-estivale sur les origines des noms de nos groupes préférés - ou pas... - avec toujours le même principe, pour ceux qui auraient pris la chose en cours de route : toutes les hypothèses ou presque sont permises et les plus invraisemblables ne sont pas forcément les moins heureuses... Et on se fait le tout en deux parties en plus...
Alors, d'abord, encore et toujours du littéraire dans l'inspiration de nos rockers comme si, culpabilisant sur leurs compétences binaires, certains tenaient à élargir un peu le débat... Les irrésistibles Mott The Hoople tirent ainsi leur nom d'un roman d'un certain William Manus dont la relative renommée doit aujourd'hui certainement beaucoup plus au groupe de Ian Hunter qu'à ses propres écrits (un hétéronyme aux sonorités moins coloscopiques aurait sans doute été bienvenu) ; Scritti Politti, groupe londonien fameux en son temps qui proposait une espèce de new-wave lénifiante post-punk à redécouvrir, disait tenir son nom du titre générique des œuvres du marxiste martyr Antonio Gramsci... Et même les Black Crowes lisent puisqu'on apprend qu'ils ont réduit leur nom originel, Mr Crowe's Garden, pêché dans un bouquin pour enfants en y adjoignant un mâle préfixe pour se trouver un nom de scène qui tue... Doit-on rappeler par ailleurs que le Velvet Underground est le titre d'un bouquin S&M trouvé, selon la légende en tout cas, sur un trottoir new-yorkais ? Enfin, les Boomtown Rats de Bob Geldof ont eux aussi cherché du côté d'un roman (oui) du chanteur Woody Guthrie et de son gang qui terrorisait l'Oklahoma pétrolier des années 20...
À l'autre bout du spectre, les inévitables clins d'œil potaches, ambiance ma bite et mon couteau - un couteau Bowie, tiens, qui inspira à David Jones son célèbre patronyme - et puis un peu de poils et de filles hi hi. Les anglais, très forts à ce jeu, multiplient les circonvolutions sémantiques : les Pogues et leur gaëlique profession de foi "Póg Mo hón" ("Kiss my ass"), les folkeux Lovin' Spoonful dont le nom, pioché dans le titre "Coffee Blues" du bluesman Mississippi John Hurt, serait aussi un synonyme de semence... Et puis les Buzzcocks, sur le nom desquels circulent les rumeurs les plus absurdes, du vibromasseur à la sauce slang, à l'expression cockney "what's the Buzz cock?" (tirée de la série TV british "Rock Follies") en passant par l'explication technique : a "bus cock" est ce type tout particulier d'érection due aux vibrations émises par un bus diesel que, naturellement, nous avons tous connu un jour ou l'autre...
Ensuite, les acronymes un peu foireux et fantasmatiques... Qui pour encore ignorer que Kiss, groupe comics du businessman Gene Simmons - ce mec eut quand même il y a quelques années la géniale idée de déposer le logo du... dollar présent dans les boîtes de Monopoly... -, est censé signifier "Knights In Satan's Service" ? Cette version, qui doit beaucoup à l'indulgence du public pré-teenager du groupe, a depuis fort heureusement fait place à une explication plus vraisemblable : Kiss ? "Keep It Simple Stupid", profession de foi appliquée à la lettre dans toutes leurs compos...
On passe rapidement sur XTC, dont Andy Partridge tira le nom d'un clip de Jimmy Durante dans lequel l'entertainer ricain s'écriait "That's it, I'm in ecstasy!" pour s'intéresser au cas des néandertaliens WASP... Naturellement, la signification première de l'acronyme, "White Anglo-Saxon Protestants", fut vite abandonnée au profit du plus explicite "We Are Sexual Perverts", voire du terrifiant "We Are Satans People" (boooh !) - le groupe s'en tient aujourd'hui à une réponse mi-amusée, mi-agacée : "We Ain't Sure, Pal"...
Un peu de censure aussi : on imagine bien que si "Fuck", nom originel de Kiss, ne fut pas retenu ce n'est pas seulement pour ses sonorités... Dix ans avant, Frank Zappa eut, on le sait aussi, les mêmes problèmes avec ses Motherfuckers qui devinrent sous la pression de sa maison de disque les Mothers Of Invention... De même le duo Jorma Kaukonen et Jack Casady, transfuges du Jefferson Airplane, étaient parti pour un Hot Shit éloquent quand il s'est agi de donner un nom à leur duo de blues psyché ; Hot Tuna - le juste contraire de l'expression junkie cold turkey, pour certains exégètes du groupe - fut accepté par la maison de disques...
Pour le reste, on trouve à peu près tout - on doute que ces choix aient été conçus la tête froide, ceci expliquant cela : la désormais fameuse planche ouija présida aux destinées de Cheap Trick ; Le Clash - ils insistent, c'est bien "le", pas "les" - tiré d'un gros titre du Evening Standard "A Clash With Police" ou du titre reggae "Two Sevens Clash" by Culture, le débat fait rage aujourd'hui encore... ; les Californiens de Three Dog Night, plus guère écoutés de nos jours, s'inspirèrent, dit-on, d'une coutume aborigène qui consiste à coucher en compagnie de trois chiens lors des nuits les plus froides de l'année... Et dans la rubrique "on s'en fout", tant qu'on y est, Procol Harum : le nom du chat de son leader, Keith Reid, voilà, c'est dit...
Ah oui, les références folklo-historiques ne sont pas oubliées non plus, avec, il est vrai, plus ou moins d'exactitude... Les impressionnants Gang Of Four - dont les Red Hot Chili Peppers ont, disons, plus qu'attentivement écouté le séminal Entertainment! (1979) - ont pioché dans l'histoire chinoise et la fin des années Mao leur joli nom ; les Mancuniens de Durutti Column, eux, ont regardé du côté de la guerre d'Espagne et de la brigade du célèbre anarchiste Buenaventura Durruti ; ett si on vous dit instrument de torture médiéval (le cercueil à la verticale, les pieux, tout ça), vous dites "Iron Maiden", voilà c'est fait... mais on ajoute que, pour certains, il faut chercher du côté d'un film du grand James Whale, The Man In The Iron Mask (1939), pour avoir le fin mot de l'histoire...
Côté légendes (post-)médiévales, on trouve bien sûr nos sudistes Molly Hatchet, patronyme d'une prostituée de Salem, dans le Massachusetts colonial, qui décapitait ses clients à la hâche après leur forfait... On termine - provisoirement - avec un conte, anglais curieusement : au plus profond de l'Angleterre médiévale, se cachait un étrange village qu'un voyageur découvrit un beau matin porté par le hasard de ses pas... Il assista alors à une étrange scène : les villageois refusaient d'enterrer un des leurs, décédé la veille, parce que durement endetté... Touché par la détresse du pauvre macchabée, le mystérieux voyageur s'offrit à rembourser la dette aux villageois qui acceptèrent enfin de mettre en terre le damné... Peu de temps après, ce même voyageur échappa par miracle à un terrible accident et ne dut, selon lui, la vie qu'au secours spirituel du paysan enfin enterré en paix qu'on nomma dès lors le mort reconnaissant... Oui, vous pouvez relire, nous aussi on a fait un petit dessin pour s'y retrouver... Mais, ce "mort reconnaissant", on vous fait pas la traduction, non ?
(To be continued...)