The Monkees: Hard To Believe
On se souvient peut-être qu'on avait laissé nos affreux Monkees en juillet 1967, en compagnie du pauvre Jimi assailli par de mystérieuses Daughters of the American Revolution... On revient aujourd'hui sur ces quelques années un peu honteuses où le quatuor ricain domina violemment les charts avec son lot d'histoires si abracadabrantesques que, coup de chance, certaines sont vraies... Promis, on aura pas la dent dure, on s'en tiendra aux principales billevesées avec, au passage, un peu de lumière sur les compétences musicales des Singes, le retour de Charles Manson, celui de Cynthia Plaster Caster aussi, et du typex...
On évacue d'emblée le vieux contentieux : oui, les Monkees - le chanteur David Jones, le guitariste Michael Nesmith, le bassiste Peter Tork et le batteur Michael Dolenz - savaient jouer et c'est bien eux qu'on peut entendre, si si vraiment, sur disque et pas seulement pousser la chansonnette... La situation fut certes un peu alambiquée, nos Prefab Four restant bien, toutes choses égales par ailleurs, rien de plus qu'un boys band sixties créé dans un bureau d'executive managers... On le sait peut-être, les Singes américains sont la chose des producteurs Bob Schneider et Bert Rafelson qui, en 1965, cherchaient à reproduire le succès des Beatles en Amérique, et notamment son versant cinématographique, consacré par deux films, A Hard Day's Night et Help où le talent insolent des quatre Liverpudliens vampirisait jusqu'à l'héritage grouchomarxiste...
Bref, en 1965, les pas-encore-formés Monkees sont ze next big thing ; du coup, on organise une battue nationale, à laquelle tout Hollywood se précipite : s'y présentent, candidats malheureux, Paul Williams, Tommy Boyce et Bobby Hart (qui écriront tout de même pour la série télévisée en question) mais aussi Stephen Stills dont on dit que seules la chevelure et la dentition pourrie lui barrèrent la route de la gloire ce jour-là... Pas chien, il recommanda son pote bassiste Peter Tork qui, lui, comme le lecteur sagace l'a deviné, l'emporta - certains soutiennent d'ailleurs que le fait que ce dernier se prenne accidentellement un mur dans la tronche devant tout le monde le jour J aurait joué en sa faveur... Et puis il y a ce good ole Charles Manson, le plus rocker des psychopathes... Une autre rumeur, totalement fausse pourtant, circule en effet encore sur sa prétendue audition ce même jour... Mickey Dolenz lui-même ne serait pas étranger à l'étonnante fortune de cette foutaise, naturellement inventée de toutes pièces... Pas encore reconverti en preneur d'otages surfeurs, ce bon vieux Charlie avait bien d'autres choses à foutre en 1965 puisqu'il purgeait, pour deux ans encore, une peine au United States Penitentiary... Et puis du haut de ses 30 ans de démence, comment aurait-il pu prétendre à un poste dont l'annonce précisait clairement qu'elle concernait des gars "entre 17 et 21 ans" ? OK, l'annonce en question stipulait aussi qu'on cherchait "4 insane boys" et Manson aurait effectivement pu prendre la chose au pied de la lettre... Mais on est catégorique : pas de Manson ce jour-là, ni, dans un autre registre, de George Harrison d'ailleurs, comme il a pu être avancé...
La composition du quatuor enfin fixée, il fallait enregistrer : et là, ça se complique. Contrairement à une croyance populaire, les quatre niais sont, sinon blanchis sous le harnais, du moins en possession d'un certain passé musical dont on vous laisse juges de la qualité : Jones avait eu son quart d'heure de célébrité dans un musical de Broadway, Oliver, Nesmith était un obscur gratteux texan qui sillonnait de studio en studio sous le nom de Michael Blessings - une curieuse rumeur, encore infondée, voulait qu'il se soit mis à la guitare pour se rééduquer sa main (vraiment) blessée -, Peter Tork faisait du folk dans Greenwich village, et même Dolenz grattait un peu des cordes... Mais, concluent fort justement les messieurs en cravate qui tiraient les ficelles de nos marionnettes, en ces effervescentes années 1960, le temps que tout ce beau monde apprenne à jouer ensemble, quatre révolutions musicales seront déjà échues... Et c'est ainsi que, sur les premiers albums, seules les parties vocales sont assurées par nos gars qui, surprise, rongent méchamment leur frein... Don Kirschner, manager-directeur artistique de la chose, n'en démord pas, il faut avancer, le produit doit s'installer et qu'on lui brise pas les noix avec ces affres d'artistes... Les Monkees font donc, dans un premier temps, là où on leur dit de faire, marchant clairement sur les brisées des Beatles, comme lors de leur première présentation aux pontes de la chaîne télé : Jones imite un canard, Dolenz fait semblant de se raser avec un micro, les gars en veulent mais, on l'a compris, n'est pas British non-sensique qui veut...
Au prix d'un forcing impressionnant auprès de Kirschner, les velléités de jeu - et de composition - du potache quatuor trouvent enfin à s'exprimer avec le titre "Last Train To Clarksville"... Bientôt, c'est un album complet, Headquarters, que les Monkees, enfin affranchis, composent et interprètent, puis un autre, Pisces, Aquarius, Capricorn et Jones Ltd., puis un autre encore, dont on est surpris, à l'écoute, de la bonne tenue... Une liberté qu'apprécia à sa juste valeur Peter Tork qui, depuis longtemps, clamait alentour vouloir écrire une chanson "qui fasse sens" et enregistra donc, en guise de premier effort, le titre "Your Auntie Grizelda" dont le refrain cherchait ingénieusement à reproduire des bruits de pets...
Groupe à rumeurs, nos Monkees, donc - à tel point qu'on ne sait plus où donner de la tête ni même ce qui est, au final, vraiment faux ou faussement vrai... Dolenz qui paye le cameraman de l'émission pour avoir tous les gros plans ou Jones qui surenchérit auprès du même cameraman pour les mêmes raisons ? Mike Nesmith qui joue dans les Byrds ou les Byrds qui écrivent "So You Wanna Be A Rock N Roll Star" en référence aux Monkees ? Jones qui participe à l'enregistrement du "Revolution" des Beatles ou Dolenez qui joue de la batterie pour Zappa ? Nesmith qui est à l'origine de la création de MTV ou la nouille de Tork immportalisée par la touchante Cynthia Plaster Caster ? Une chose est sûre : c'est bien la mère de Nesmith qui a inventé le stylo correcteur genre Typex et rien que pour ça, on ne ressort jamais idiot d'un billet sur les Monkees...