The Rolling Stones: On With The Show
Et si, à l'occasion de la sortie du surprenant Shine A Light scorcesien et à la demande générale, on se débarrassait de quelques vrais-faux mythes stoniens, quitte à en dégonfler gentiment la baudruche ? L'embarras du choix, à vrai dire, même en s'en tenant qu'à du classique patenté, de la fameuse barre Mars intimement couvée par une Marianne Faithfull plus vraiment en lice pour le bal des débutantes, au ménage à trois Jagger-Bowie et Madame, avec, en prime, la totale sur ces increvables foutaises de transfusion sanguine intégrale suisse et de mort de Jagger (avant qu'il ne devienne transsexuel à la fin des années 1970, comme on sait)... On fait le point ?
Commençons par Sa Majesté Satanique Jagger, dont l'androgynie étudiée, revigorée à partir de 1973 avec l'explosion glam, lui valut tôt d'être l'objet de rumeurs accueillies avec bienveillance concernant sa bisexualité... Seul l'intéressé - qui, jamais en mal de mythes maison, a reconnu avoir essayé jeune de se divertir entre garçons mais s'en être tenu là depuis - peut, à l'évidence, en être définitivement juge, mais on peut avancer sans trop craindre de se tromper que le Jag' fut un touche-à-tout dans bien des domaines, celui-là compris... Curieusement, c'est l'histoire archi-rebattue de sa supposée relation biblique avec David Bowie, que sa femme Angela aurait découvert nus au lit un matin à Oakley Street, qui agace exceptionnellement Mick, pourtant plutôt favorable à toute histoire, flatteuse ou non, susceptible de redorer sans coup férir son blason d'icône rock absolue... Bowie, pour d'autres raisons plus juridiques, est d'ailleurs lui aussi sorti de sa réserve et a même envoyé ses avocats chez Angela pour mettre les choses au clair...
C'est d'ailleurs de cette Angela, ex-femme du Thin White Duke, que, on s'en souvient, tout était parti, lors d'une émission de tévé ricaine, "The Joan Rivers Show", où traînait aussi le muckracker star des nineties Howard Stern... Sortant de son devoir de réserve, arrivé à terme dix ans après son divorce avec Mr. Ziggy, Angela déballa tout, visiblement un peu aidée et toute contente d'être le centre d'une émission et lança donc elle-même l'histoire en étant un peu la première surprise... Sans jamais se rétracter elle s'embourba ensuite un peu dans différentes versions un chouïa contradictoires, jusque dans son autobiographie, accusant les ricains de voir le mal partout mais reconnaissant être intimement convaincue - certes sans aucune preuve pour étayer sa thèse - que les Vaseline Twins avaient poussé leurs relations jusque dans des contrées bibliques, c'est sûr et c'est marre... Intuition féminine, probablement, celle-là même qui lui fit penser - et veiller à en avertir les média - que la célèbre "Angie" des Stones, bah, c'était elle évidemment...
En tout cas et par ailleurs, ce qu'on sait moins, c'est que Mick aurait été également surpris au lit (un verrou, Mick, bon Dieu !) avec l'autre Mick, Taylor donc, par la copine de ce dernier, Rose, à qui d'ailleurs il aurait été proposé de se joindre au duo mâle... Jagger, pour sa part, n'a jamais vraiment nié mais a tenté d'expliquer la chose en disant qu'ils avaient pris de la coke et s'était "évanouis" (sic(k))... Bon.
Le régicide maintenant : comme Macca, mais avec considérablement moins de panache, Jagger fut donné pour mort par une station de radio, de Los Angeles et dès 1966 pour ce qui le concerne... Officiellement décédé, du moins sur les ondes californiennes, le Lippu fut quand même obligé de nier, sans trop de problèmes il est vrai...
En 1978, rebelote avec une autre rumeur stupide : Mick aurait subi une opération destinée à le changer définitivement en femme... Là, ça vient carrément du staff des Stones, de son attaché de presse Keith Altham précisément, qui a fait une grosse blague pour un journaleux de tabloïd, poussant le gag jusqu'à préciser que le groupe en était extrêmement contrarié et vivait difficilement la perspective de devoir dorénavant tourner avec une chanteuse... Pas dupe (quand même...), le scribouillard se fendit d'un article exposant clairement l'affaire comme un gag mais, one thing led to another, et bientôt ne fut retenu que le fait lui-même, inventé de toute pièce donc, et l'affaire prit un vilain tour qui mit Mick un peu colère...
Il faut aussi rappeler que, tout en flirtant avec l'androgynie la plus troublante, le roi Jagger n'oubliait pas de préserver aussi son public féminin, comme avec la fameuse pochette de Sticky Fingers et sa braguette (à l'origine descendue et non remontée d'ailleurs, le zip menaçant sinon d'appuyer sur le vinyle lui-même au lieu de l'étiquette centrale)... Et que, bien sûr, ce fût pas Mick lui-même dont l'entrejambe flatteuse fut photographiée mais deux gitons warholiens - Joe Dallessandro, inévitablement, et au revers, moins généreux, un certain Jed Johnson - n'empêcha pas des millions de nanas (et probablement autant de mecs) de fantasmer méchamment...
Et Keith dans tout ça ? Sa Satanique Camésté aurait, personne ne l'ignore plus, fait en 1973 une hospitalisation expresse dans une clinique suisse, sur les recommandations de Marshall Chess, pour y subir une transfusion intégrale de son sang destinée, quoi de plus naturel, à le purifier et à la guérir définitivement de ses sévères addictions, héroïnomanie en tête... À l'origine de la rumeur, Tony Sanchez, le Richard Cole des Stones si vous voulez, qui lança le truc pour vendre son bouquin de souvenirs toxicos... Richards qui n'est plus à ça près a nié de nombreuses fois depuis, sans compter que même un docteur de province vous expliquera que héroïne et coke se dissipent en 48h maximum et que, d'ailleurs, l'intérêt de changer le sang dans le cadre d'une pathologie d'accoutumance fortement tributaire du psychologique, bon... Toujours est-il que cette connerie, il est vrai patiemment rapportée avec force détails et noms de lieux par Sanchez, connaît une longévité exemplaire...
Enfin, difficile de passer à la trappe la célèbre descente de la police britannique en février 1967 dans la propriété de Redlands de Keith... Le contexte : quelques jours avant, le 5 février exactement, Mick Jagger avait admis au tabloïd News Of The World qu'il prenait du LSD - bon , en fait, le reporter maison avait surtout interviewé Brian Jones lors d'une soirée au "Blaises" et, ne distinguant pas vraiment les divers membres des Stones, en avait conclu que c'était Mick, se ressemblent tous ces hippies aussi, avec leurs cheveux longs... Se greffe à cette bévue, "The Acid King", surnom de David Schneidermann (qui se faisait aussi surnommer David Britton) et que les Stones ont rencontré à New York l'année précédente... Si le gars pouvait à l'occasion jouer les fournisseurs, il est fortement probable qu'en l'occurrence, en cette période où le gouvernement était sur les talons des Stones, il joua surtout le rôle de balance et d'informateur pour le compte du tabloïd...
C'est ainsi que les flics bien rencardés attendirent le soir en question que certains invités de Keith quittent la maison - George Harrison et Patti "Layla" Boyd, par exemple... - pour toquer à la porte de l'infortuné guitariste... Parmi les invités, les marchands d'art Christopher Gibbs et Rober Fraser, Mick bien sûr et Marianne Faithfull en petite tenue sur le canapé... Les flics trouvèrent un peu d'héroïne, un peu d'amphétamines, ignorèrent évidemment la valise bien bourrée de Schneidermann, et passèrent à côté de la coke, apparemment mal identifiée par eux... Quant à Marianne, revêtue d'une couverture (ou d'un tapis selon les versions), elle aurait été surprise, dans ce qui est une des affabulations rock n' rollesques les plus fantasmatiques, avec Mick Jagger, visage enfoui entre les jambes de la donzelle en train de machouiller gentiment une barre chocolatée américaine logée, pour plus de confort, au plus intime de la chanteuse... Superbe viralité d'une rumeur qui fit rapidement tout le tour de la Grande-Bretagne puis du monde, alors que la dame, pourtant peu suspecte de pudibonderie, nie farouchement...
Même le douteux Tony Sanchez a reconnu que le tout venait d'une conversation grivoise entre reporters pendant un déjeuner, entre deux séances de l'inévitable procès qui s'ensuivit (et dans le cadre duquel Faithfull était nommée "Miss X"...)... La Françoise Hardy british, chantant "As Tears Go By" perdue dans sa robe de princesse, était en tout cas bien loin et quand les Stones, exceptionnellement corrects sur le sujet contrairement à une autre légende tenace, lui attribuèrent à juste titre une partie des droits du titre "Sister Morphine" qu'elle avait co-composée (mais ne la mentionnant pas sur la pochette pour ne pas attirer la convoitise d'anciens producteurs de l'ex-fille modèle), elle eut enfin les moyens de financer sa pire décennie d'excès - mais ceci est une autre histoire...