Todd Rundgren: The Range War

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Qui écoute encore Todd Rundgren aujourd'hui ? Expérimentations avant-gardistes aux confins du hard-rock, du punk, du prog-rock, de la pop et de la musique électronique, goût zappaïen pour le pastiche, mégalomanie poudrée à la prolificité toute seventies... : le Swan depalmaesque de Philadelphie aura flirté, au gré d'albums iconoclastes, certains à la démesure pharaonique comme A Wizard, A True Star et Something/Anything?, et de groupes schizophréniques (The Nazz, Runt, Utopia), avec à peu près tout ce que cette décennie parfois fumeuse compta en fait de courants musicaux... Grande gueule, évidemment, Rundgren aura aussi été au cœur d'une joute épistolaire, devenue depuis mythique, entre Sa Majesté et John Lennon himself... En bref, il était temps, pour les absent(e)s, de se plonger dans les documents d'époque...

Le contexte : tour à tour chahuté et encensé par les média qui dénonçaient (ou saluaient) en lui le digne héritier d'un McCartney pas vraiment mort, Rundgren acquit rapidement auprès des rock-critics une réputation de "bon client" enclin aux dérapages vendeurs... Mais c'est quand il décida, en février 1974 si nos infos sont bonnes, de s'attaquer dans les colonnes du Melody Maker à John Lennon qu'il s'attira les foudres réunies des fans, des journalistes et, comme on va le voir, de l'intéressé lui-même (qui ne l'épargna pas) que Todd fit le plus grand bruit...

À sa décharge - et en escamotant tout de suite un débat de fond ennuyeux - reconnaissons que le grand John avait à l'époque déjà passablement perdu pied et, en tous les cas, évoluait à mille lieux des préceptes working-class si vigoureusement défendus par lui la décennie précédente (remember son fameux "Shake the jewellery" ? wink wink). Rundgren, qui voulait sans doute tuer le père, avait d'ailleurs déjà éreinté l'ex-Beatle, mais de manière détournée, dans le titre "Rock and Roll Pussy" sur A Wizard, A True Star mais, au moment de remettre le couvert, s'embarrassa à l'évidence de moins de scrupules : "John Lennon ain't no revolutionary. He's a fucking idiot, man. Shouting about revolution and acting like an ass. It just makes people feel uncomfortable [...] All he really wants to do is get attention for himself, and if revolution gets him that attention, he'll get attention through revolution. Hitting a waitress in the Troubador. What kind of revolution is that? » Une concession et ça repart : « He's an important figure, sure. But so was Richard Nixon. Nixon was just like another generation's John Lennon. Someone who represented all sorts of ideals, but was out for himself underneath it all."

Naturellement, la réponse ne se fit pas attendre - ou si peu - et montra que la verve liverpudlienne de Lennon, à défaut de sa conscience politique, était intacte. Du petit lait, donc on la reproduit in extenso - notez, notamment, les savoureux "Godd", "Turd" et consorts :

"AN OPENED LETTUCE TO SODD RUNTLESTUNTLE (from Dr. Winston O' Boogie)

Couldn't resist adding a few "islands of truth" of my own, in answer to Turd Runtgreen's howl of hate (pain).

Dear Todd, I like you, and some of your work, including "I Saw The Light", which is not unlike "There's A Place" (Beatles), melody wise.

  1. I have never claimed to be a revolutionary. But I am allowed to sing about anything I want! Right?

  2. I never hit a waitress in the Troubador, I did act like an ass, I was too drunk. So shoot me!

  3. I guess we're all looking for attention Rodd, do you really think I don't know how to get it, without "revolution?" I could dye my hair green and pink for a start!

  4. I don't represent anyone but my SELF. It sounds like I represented something to you, or you wouldn't be so violent towards me. (Your dad perhaps?)

  5. Yes Dodd, violence comes in mysterious ways it's wonders to perform, including verbal. But you'd know that kind of mind game, wouldn't you? Of course you would.

  6. So the Nazz use to do "like heavy rock" then SUDDENLY a "light pretty ballad". How original!

  7. Which gets me to the Beatles, "who had no other style than being the Beatles"!! That covers a lot of style man, including your own, TO DATE.....

Yes Godd, the one thing those Beatles did was to affect PEOPLES' MINDS. Maybe you need another fix? Somebody played me your rock and roll pussy song, but I never noticed anything. I think that the real reason you're mad at me is cause I didn't know who you were at the Rainbow (L.A.) Remember that time you came in with Wolfman Jack? When I found out later, I was cursing cause I wanted to tell you how good you were. (I'd heard you on the radio.)

Anyway, however much you hurt me darling; I'll always love you,

John Lennon, 30th Sept. 1974"

Certains notèrent dès lors une agressivité moindre chez "Godd" à l'endroit de l'ex-Beatle... Les destinées de Rundgren et Lennon semblèrent toutefois devoir être définitivement communes puisque le jour où il tira sur Lennon, Mark Chapman laissa dans sa chambre d'hôtel une cassette de l'album The Ballad of Todd Rundgren...